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s’ouvrit et, sans être annoncé, un étranger entra. Comment avait-il déjoué la surveillance des sentinelles et pénétré jusqu’auprès du gouverneur ? Ce dernier l’ignorait. Aux questions qu’il lui adressa, l’intrus se borna à répondre qu’il avait d’importans renseignemens à communiquer, puis il déplia la proclamation relative à Marti, et demanda si les conditions y relatées étaient bien celles que le gouverneur proposait. Sur la réponse affirmative de Tacon, le nouveau venu déposa sur son bureau deux pistolets dont il était armé.

— S’il en est ainsi, causons. Vous offrez le pardon, sans condition, à qui vous renseignera exactement sur Marti ?

— Sans condition.

— Même si celui qui vous renseigne est l’un des siens ?

— Quel qu’il soit.

— Vous offrez en outre une récompense à qui vous le livrera ?

— Oui.

— Je viens vous fournir ces renseignemens et vous livrer l’homme, mais Votre Excellence me donne sa parole, non de gouverneur, mais de gentilhomme, que les promesses faites seront tenues, qui que je puisse être ?

— Je vous la donne. Qui que vous soyez et quelque part que vous avez prise aux agissemens de Marti, votre grâce et les récompenses vous sont acquises si vous me le livrez.

— Soit… Je suis Marti.

— Vous ?

— Moi-même.

Après un instant de silence et de réflexion, le gouverneur reprit :

— Vous avez ma parole, je la tiendrai ; mais, pour des raisons que vous comprenez, il me faut tout d’abord m’assurer de votre identité et, pour cela, de votre personne.

— Je m’y attendais et je suis prêt.

Il fut mis au secret. Peu de jours après, un croiseur de l’Etat quittait mystérieusement le port de La Havane. Marti était à bord, comme pilote, sous un faux nom. Nul ne savait qui il était, ordre était donné de se conformer exactement à ses indications. En quelques semaines, les repaires des contrebandiers furent découverts et détruits, les dépôts, peu importans, confisqués, et plusieurs navires capturés ; toutefois, nulle part on ne fit de prisonniers, prévenus, on ne sait comment, les contrebandiers échappèrent tous, mais leur organisation était anéantie. Au retour, Marti rendit compte au gouverneur de sa mission et réclama l’exécution des promesses faites.

— C’est juste, répondit Tacon, mais le pardon s’applique au