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plutôt que de livrer à la consommation des produits inférieurs et de compromettre leur renom.

Il est peu de plantes pour lesquelles la nature du terrain ait une aussi grande importance que pour le tabac. Le choix du terrain, son exposition, son degré de sécheresse ou d’humidité, déterminent absolument la qualité, la quantité et l’arôme du tabac. Il lui faut un sol légèrement sablonneux, très meuble et très riche, à proximité d’un cours d’eau, mais non marécageux. Sa végétation vigoureuse absorbe rapidement les élémens constitutifs du terrain ; on les lui restitue au moyen d’engrais abondans et d’irrigations. cette culture exige, à tout prendre, plus d’habileté que de déboursés et de travail ; à ce titre, elle est celle à laquelle s’adonnent de préférence les petits fermiers qui en tirent un excellent parti et débutant par un modeste enclos, étendent leurs plantations au fur et à mesure de leurs bénéfices. Presque partout dans l’île, sauf sur la côte orientale, le sol est propre à ce genre de culture, mais l’expérience a démontré que certaines zones donnent des produits très supérieurs à d’autres. Tel est le cas pour le département de La Havane et notamment pour le district de Vuelta de Abajo. « la vallée basse », converti, sur trente lieues de longueur et sept à huit de large, en plantations de tabac. On y estime le rendement d’un hectare à 750 kilogrammes de feuilles, alors que, dans des terrains moins favorisés, ce rendement n’excède pas 400 kilogrammes.

Dans ce dernier cas, le revenu moyen dépasse encore 10 p. 100 du capital. Les plantations de la Vuelta de Abajo rendent bien au-dessus de ces chiffres ; il en est de même pour celles de la riche vallée de los Guines, qui produit le meilleur des tabacs à priser. Sur les rives du rio San-Sebastian, on récolte un excellent tabac à cigarettes ; de Consolacion à San Cristoval, les plantations se succèdent presque sans interruption ; mais si le tabac qu’elles produisent est abondant, il est « chaud », comme disent les colons, c’est-à-dire âcre et fort ; on le mélange d’ordinaire avec les tabacs plus faibles et moins colorés de Guanajay et de Holguin. On ne compte pas moins de 15 000 planteurs de tabac dans l’île de Cuba et, sur la plupart des plantations, on n’a recours qu’à la main d’œuvre des blancs.

La réussite » d’une plantation de tabac dépend de l’expérience et surtout de la vigilance du Vegnero qui la dirige. Il surveille le repiquage et l’entretien des plants, le développement des feuilles dans lesquelles il concentre la sève par l’écimage et l’ébourgeonnement. ; il s’applique à les maintenir intactes et sans piqûres, détruisant les insectes qui s’attaquent aux jeunes pousses, et les plantes parasites qui s’en prennent aux racines ; ce genre de travail exige