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et d’effacer en elle les traces légères du sang africain que peut seul discerner un œil expérimenté.

Sous l’influence des « faux blancs », ces préjugés de couleur tendent de plus en plus à disparaître. Les nègres purs diminuent en nombre ; cantonnés dans les petits métiers, ouvriers de culture à la campagne, portefaix, domestiques ou manœuvres dans les villes. ils ne sont plus qu’une minorité à laquelle la suppression de l’esclavage et le contre-coup de la guerre de Sécession aux États-Unis ont assuré une existence tolérable en leur rendant la libre disposition d’eux-mêmes. Puis l’afflux de la race asiatique, la juxtaposition du Chinois, ont encore diminué la distance qui séparait le nègre du blanc en introduisant un élément ethnique intermédiaire, confiné, comme le nègre, dans les travaux intérieurs, mais actif, laborieux, commerçant et dont l’exemple lui montre la voie à suivre pour s’élever et s’enrichir. Il fut un temps où l’on comptait, à Cuba, plus de 200 000 sujets du Céleste-Empire. Depuis, par suite des mesures prises, leur nombre a beaucoup diminué. Il n’excède pas 50 000, et la nature du sol et de ses productions justifie l’assertion que la main-d’œuvre des noirs, des mulâtres et des guarijos ou « petits blancs » suffit à la mise en valeur des ressources de l’île.

Les premiers colons s’en tinrent à l’élevage du bétail. Il répondait à leurs besoins les plus urgens, il était le mode d’exploitation avec lequel l’expérience les avait familiarisés, enfin ils ignoraient les cultures spéciales à ce sol et les produits tropicaux qu’il donnait restaient sans demandes au dehors, et pour eux, sans emploi. L’élevage était seul lucratif et, tout de suite, prit une extension telle que, longtemps, on considéra Cuba comme une terre de pâturages. Découpé en hatos et en potreros, le sol de l’île fut livré au bétail. Dans les hatos, terres aux limites vagues et mal définies, d’ordinaire larges vallées sans clôtures, les animaux, abandonnés à eux-mêmes, se multiplièrent comme dans les primitifs ranchos du nouveau Monde. Une ou deux fois par an, le propriétaire passait en revue ses troupeaux, marquant au fer rouge les nouveau-nés, mettant à part les animaux destinés à la consommation, renvoyant le reste aux pâturages. Plus tard, le hato se modifia, il devint une pépinière de bêtes de labour, de charge, de transport, l’accessoire et le complément des plantations.

Tout autre était le potrero, grand espace enclos, divisé en prairies distinctes, soigneusement aménagées et irriguées, sur lesquelles le propriétaire élevait les chevaux et le bétail qui constituaient sa principale, souvent même son unique richesse. Sur une superficie moindre, il élevait un plus grand nombre d’animaux, mieux nourris et mieux soignés, de valeur supérieure. Mais ici, de