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Derrière eux apparaissaient les Catalans. Laborieux et âpres au gain, passionnés dans leurs haines et dans leurs affections, inquiets et remuans, les Catalans se rapprochent du Basque et diffèrent profondément de l’Espagnol des provinces centrales, qui les tient pour mobiles et inconstans, alors qu’ils ne sont qu’aventureux. Les croisemens répétés avec d’autres races, l’incessant afflux d’une population étrangère remplaçant une émigration volontaire, ont modifié leur type, ne laissant subsister que le fond d’orgueil et d’indépendance commun à la race espagnole. Actifs et entreprenans, cultivateurs habiles et marins hardis, les Catalans ont su tirer un merveilleux parti de leur sol et donner à leur commerce un puissant essor. On les a vus s’ouvrir le chemin des mers, conquérir Majorque et la Sardaigne, envahir la Sicile et la Thessalie ; on les retrouve partout, en Europe, aux Indes, en Amérique, colons appréciés, industrieux et ingénieux, ils ont dans leurs veines du sang phénicien, grec et carthaginois, l’esprit d’aventure des uns, l’intelligence éveillée des autres, l’instinct commercial des derniers. De la Provence ils tiennent leur idiome imagé, leurs expressives gesticulations, leur imagination enthousiaste et vive. De leur sol, en partie aride et raviné, des vallées sauvages qu’en serrent les ramifications des Pyrénées, les Catalans ont su faire, à force de travail, des champs fertiles et de productifs vignobles. Rien ne donne mieux l’idée de leur habileté agricole que la vue des campagnes de Girone, de la Cerdagne, de Tarragone, d’Urgel, que les belles plaines de l’Ampurdan semées de populeux villages et de fermes florissantes.

A Cuba, ce furent surtout les Basques et les Catalans qui, les premiers, rompirent avec les traditions du passé. Plus actifs et plus ingénieux que les émigrans du centre et du sud de l’Espagne, ils s’adonnèrent : les Basques au trafic de l’argent, à la banque et souvent aussi à l’usure, les Catalans au commerce de détail. Ils y réussirent si bien qu’ils accaparèrent ces deux branches d’industrie et que, pendant nombre d’années, le nom de Catalan fut synonyme de commerçant, surtout de denrées coloniales, comme celui de Basque, de changeur et d’escompteur.

A côté d’eux se groupaient les Galiciens et les Canariotes. Les Galiciens personnifient, par excellence, le facteur ethnique espagnol, facteur résistant et persistant, agricole, travailleur et prolifique. Leur sol et leur climat ont fait d’eux une race distincte de celle qui peuple les autres provinces d’Espagne. Située à l’angle nord-ouest de la Péninsule, la Galicie forme, avec les Asturies, un tout compact, homogène, sans analogie avec le grand plateau central, non plus qu’avec le versant méridional. Reléguée par sa situation géographique en dehors des agitations et des convulsions