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ter ces mannequins devant les plus obstinés, et de leur montrer que ce n’était qu’un assemblage de bâches de bois portant des accessoires. Ces nigauds éclatèrent de rire. Tout devenait difficile avec des esprits étroits, sans instruction, obstinément renfermés dans leur culture bornée.

Ces nigauds pourtant avaient du bon et devançaient à quelques égards le sentiment moral du monde. Les jeux quinquennaux furent splendides. Hérode les avait fait annoncer dans tous les pays circonvoisins. Les populations y vinrent en foule, sans distinction de race ni de religion. Rien n’égala la splendeur des costumes, l’éclat des concours d’athlètes, de musiciens. Il y eut aussi des combats de bêtes, où de malheureux condamnés furent exposés à la dent des animaux féroces. Les bêtes étaient rares et chères ; mais ce qui ailleurs n’excitait que l’enthousiasme de la foule fut accueilli avec indignation à Jérusalem. Les pharisiens protestèrent et trouvèrent horrible qu’on cherchât son plaisir dans le péril que couraient des malheureux. Toutes les vieilles mœurs leur paraissaient renversées ; mais il n’y avait plus moyen de résister : le moindre murmure était puni de mort.

L’art de bâtir était, du temps d’Auguste, dans un de ses meilleurs momens, et la Palestine, le sous-sol même de Jérusalem, offraient des matériaux de premier choix. Hérode eut évidemment à sa disposition des architectes excellens et une population d’ouvriers sûrement étrangers à Israël. Lui-même, sans doute, voyait les plans et s’intéressait aux travaux.

Il y eut ce qu’on peut appeler un style hérodien, d’un aspect général ressemblant au dorique[1], à Jérusalem surtout, caractérisé en Palestine par le monolithisme et l’emploi des superbes matériaux fournis par le sous-sol, ailleurs par l’emploi des colonnes de granit, de porphyre, de syénite, de marbres venus d’Égypte. Une sorte de jalousie du sort s’est attachée à ces monumens. Peu d’entre eux ont subsisté jusqu’à nos jours ; mais ce qu’on en voit par les yeux de l’esprit provoque la plus grande admiration.

Le culte d’Auguste était devenu la religion principale des provinces. Les temples de Rome et d’Auguste se multipliaient de toutes parts. Hérode en édifia pour son compte quatre ou cinq, à Césarée, à Sébaste, au Panium, en Batanée. Ces temples, surtout celui de Césarée, purent compter entre les plus beaux du temps. Il n’osa pas en élever à Jérusalem. Outre le théâtre, l’amphithéâtre et l’hippodrome dont nous avons parlé, il se construisit dans cette

  1. Les colonnes des portiques du temple, cependant, étaient de style corinthien.