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pas eu jusqu’ici de notions aussi exactes et aussi techniques sur la composition de la porcelaine chinoise et sur sa fabrication, sur son origine et sur les procédés spéciaux à la Chine. À tous ces renseignemens précieux M. Grandidier a joint l’explication la plus ingénieuse et la plus savante interprétation sur les sujets de décor de ces porcelaines, sur les mœurs et les coutumes des anciennes dynasties, les cérémonies religieuses, les légendes du pays et les mythes historiques, les romans même que ces sujets nous révèlent sous la fantaisie de l’artiste céramiste, et montré autant d’érudition que de solidité dans la démonstration à propos d’objets aussi fragiles.

La Femme à Paris[1], c’est là certes un sujet d’étude attrayant et bien compris pour attirer les fidèles admirateurs de la Parisienne, qui sont de tous les temps, et surtout quand on sait que la présentation sera faite par M. Octave Uzanne, l’auteur de tant de piquantes recherches. d’investigations fort consciencieusement poussées sur les vêtemens, parures ou ornemens de la femme, d’observations lestes et prime sautières sur ses habitudes, sur ses goûts, son luxe et sa frivolité, observations qui lui ont valu la reconnaissance de plus d’un amateur difficile.

Cette fois le peintre de la vie féminine s’est complu à faire défiler sous nos yeux, en une suite de tableaux rapides et pleins d’aisance et de désinvolture, les principaux types de la Parisienne avec leur caractère, leur physionomie, leurs modes, manières, attitudes, leur langage et leurs principaux traits, en toilette ou en déshabillé, peu lui importe, ou plutôt il lui importe beaucoup, car il a du goût. Sans doute on pourra lui reprocher de trop s’attarder à l’étude des dessous et de glisser parfois jusqu’aux bas-fonds de la galanterie dans ses croquis un peu bien poussés au noir, où toutes les « Cythères parisiennes dans les diverses classes des filles galantes » se montrent sans vergogne au naturel et pas assez ou trop dévêtues. Il est vrai que ces pages, d’un réalisme suggestif et souvent assez brutal, sont immédiatement suivies d’un chapitre sur la Parisienne charitable, sur ses croyances, ses devoirs, ses dévouemens et son rôle supérieur dans la vie contemporaine ; mais l’impression première est restée. La femme vertueuse ne peut faire oublier l’autre : la pervertie, dont les curieux dessins de M. Pierre Vidal ont encore accentué le type si souvent vulgaire. Et nous sommes assurés que personne ne nous contredira si nous protestons que la Parisienne nous était toujours apparue plus séduisante et plus gracieuse qu’en cette cruelle photographie, plus délicieusement simple et naturelle en ses frivolités mêmes qui lui coûtent quelquefois si peu parce qu’elle sait faire tant de plaisir, et qu’elle garde toujours, quoi qu’il arrive, le charme de toutes les élégances et de toutes les séductions.

  1. La Femme à Paris — Nos Contemporaines, par M. Octave Uzanne, 1 vol. gr. in-8o, avec 300 illustrations par Pierre Vidal et 50 planches à l’eau-forte et aquarelles par F. Massé.