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ses ministres trop vieux pour rester à la tête d’un royaume comme la Toscane ! »

Et, en effet, il délègue auprès d’elle, en 1806, un ministre plénipotentiaire qui désormais sera le vrai souverain. Ce nouveau ministre, Hector d’Aubusson de la Feuillade, annonce, dès son arrivée, qu’il a l’intention de mener les choses « un peu rondement, et à la française » ! Dans une lettre confidentielle à la princesse Elisa Bonaparte, le 25 novembre 1805, il écrit : « La Reine aime dans le fond S. M. l’Empereur et toute sa famille ; mais elle est entourée de gens qui la trompent, et qui la détestent autant qu’ils détestent la France. Les ministres sont tous sans talent et sans bonne volonté. La grande masse des employés de l’État ne vaut pas mieux. La noblesse et les prêtres sont tout aussi mauvais. La police est détestable… Mais dans peu de jours nous serons plus tranquilles, sans que cela puisse en rien contrarier les vues de S. M. l’Empereur : car aussitôt qu’il voudra faire un signe, ce pays deviendra province française, ou italienne, ou lucquoise, au grand contentement de la majorité du peuple… Tandis que Sébastiani s’amuse à faire à Constantinople une révolution à l’eau-forte, j’en fais donc une ici à l’eau de rose seulement. Je chasse quelques fonctionnaires publics, perfides, ignorans ou traîtres, pour en mettre d’autres qui valent un peu mieux, sans être très bons. Mais Sébastiani est bien heureux : il lui faut moins de temps pour faire sauter la tête à une douzaine de pachas qu’il ne m’en faut à moi pour faire sauter un coquin de ministre. »

Un an durant, la régente dut subir la domination de cet étonnant diplomate. Enfin, dans les premiers jours de novembre 1807, d’Aubusson, entrant chez elle, lui apprit que Napoléon venait de la chasser de son trône. Il y avait un mois déjà, en effet, qu’avait été signé à Fontainebleau un traité dont l’article IX disait : « S. M. le roi d’Étrurie cède en toute propriété et souveraineté le royaume d’Étrurie à S. M. l’Empereur des Français et roi d’Italie. » Napoléon offrait en échange à Marie-Louise un petit royaume qu’il créait pour elle avec une partie du Portugal. En apprenant cette nouvelle, la pauvre femme s’évanouit. Et comme elle tardait, les jours suivans, à quitter Florence, Napoléon lui écrivit qu’il « ne croyait pas convenable pour elle de prolonger son séjour dans un pays qui ne lui appartenait plus : en suite de quoi il lui conseillait de partir au plus vite, l’avertissant que le 18 du mois elle pourrait le voir à Milan ». Elle quitta Florence le matin du 10 : et il lui fallut encore adresser à ses anciens sujets une proclamation où elle disait « qu’elle se consolait de l’amertume de cette séparation en pensant que son royaume allait passer sous l’heureuse autorité d’un monarque doué de toutes les vertus ».

Elle rencontra ce vertueux monarque à Milan. « Je lui exposai,