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toujours ces cloches, tintant dans le ciel, remplissant l’air de joie. Pour la Cour, il y avait les ballets et mascarades, où les seigneurs prenaient part, déguisés au moyen de draperies étoilées, de barbes d’or, de costumes emplumés du genre de ceux que portaient à Paris, le 29 janvier 1392, le roi Charles VI et ses amis dans le fameux « Ballet des hommes sauvages », connu, depuis le désastre qui s’ensuivit, sous le nom de « Ballet des Ardens ». La mode des ballets, mascarades ou masks se perpétua ; les Tudors et les Stuarts eurent pour ces divertissemens le même goût que les Plantagenets et il en résulta un genre spécial dans la littérature dramatique anglaise, genre qui compta de gracieux et touchans chefs-d’œuvre tels que le Berger affligé de Jonson et le Comus de Milton.


II

Pendant que les histrions et les amuseurs préludent à la farce et à la comédie dans les grand’salles des châteaux, que le drame romantique s’ébauche avec les « pas de Saladin » et les « prises de Troie », et le drame champêtre avec les fêtes de Robin Hood, d’autres sources au théâtre moderne jaillissent à l’ombre du cloître et sous les nefs des églises.

Toute imitation d’une action mène au drame. Si conventionnelle, liturgique, ritualisée que fût l’imitation, le sacrifice de la messe en offrait une ; la messe conduisit au drame religieux, qui fut d’abord lui-même on ne peut plus conventionnel, liturgique et ritualisé. Il débute avec les parties antiphonées de l’office, et se confond alors avec l’office lui-même. C’est ainsi que, hors de l’église, le drame civil s’esquissait avec les chansons alternées, les disputoisons et altercations poétiques, des chanteurs de chansons facétieuses et de chants d’amour. Un grand pas est fait lorsque, dans les principales fêtes de l’année, Pâques et Noël, les chantres, au lieu de se répondre de stalle à stalle, se déplacent dans l’église pour imiter l’action qu’ils célèbrent, et que des additions sont introduites dans le texte de l’office : le drame religieux naît à ce moment.

« Dites, bergers, qui cherchez-vous dans cette crèche ? » Ils répondront : « Le Christ Sauveur, notre Seigneur. » C’est là le point de départ ; il date du Xe siècle. « De ce dialogue embryonnaire, dit M. Petit de Julleville dans sa grande Histoire du théâtre en France, est sorti le drame des Pasteurs, tel qu’il s’offre à nous dans plusieurs rédactions. » L’une d’elles, suivie dans la cathédrale de Rouen, donne tout l’agencement de la