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jetait des pierres à la troupe. On procédait à des arrestations, et les tribunaux ne montraient envers les coupables qu’une tendresse modérée. La présence de l’année et de la gendarmerie était un obstacle, disait-on, au succès de la grève et des réclamations ouvrières. Les députés de l’arrondissement de Béthune, secondés de quelques collègues venus à leur aide de Paris et de diverses autres parties de la France se mêler à un conflit auquel ils paraissaient devoir rester étrangers, réclamaient le « retrait des troupes ». Que serait-il arrivé, demandions-nous à un homme du pays, bien informé et plutôt favorable aux mineurs qu’aux compagnies, si l’on n’avait pas pris les mesures de protection que l’on a prises ? « On eût détruit les puits, fait sauter les bâtimens, peut-être bien le haut personnel en même temps. Cela s’est vu. » Déjà, dès le 19 septembre, les explosions de dynamite commençaient à se faire entendre à Mazy, à Lewarde, dans la concession d’Aniche. On n’en voulait peut-être pas à l’ouvrier qui avait repris le travail au point de l’assassiner de sang-froid, mais quand les foules surexcitées se ruent sans qu’un sentiment de crainte les arrête, on peut redouter d’elles tous les attentats. C’est prudence de prévenir au lieu de réprimer. Les instigateurs de la grève ne paraissent pas l’avoir compris. Au lieu de se féliciter de voir leurs forces contenues dans les limites d’une sagesse relative, ils se plaignirent ; ils demandèrent que la force armée fut retirée pour laisser le champ libre aux « revendications légitimes » des mineurs. Et comme leurs plaintes ne pouvaient obtenir aucune satisfaction et que les défections commençaient à se mettre dans les rangs des grévistes, ils tirent appel à la politique, ils appelèrent à leur secours les nouveaux élus du parti auquel les deux députés prétendent se rattacher. Dès lors la grève change de face : d’économique qu’elle était à l’origine elle devient politique, elle prend le caractère d’une guerre sociale. La pente était facile, le syndicat déjà chancelant s’y laissa glisser.


IV

Il est difficile de dire si ce fut tout à fait de leur plein gré que MM. Lamendin et Basly eurent recours à leurs collègues socialistes pour épargner à leur syndicat une chute imminente ; toujours est-il qu’une réunion de ce groupe eut lieu à Paris le 24 septembre, à laquelle M. Basly assistait, et que tous les députés qui en faisaient partie prirent rengagement de porter la « bonne parole » aux mineurs du Pas-de-Calais. Les juges de paix, sur l’invitation du ministre, avaient convié les parties à un arbitrage que la loi votée par la dernière législature indique, mais ne commande pas.