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autorité sur tous les autres et sont plus largement payés : c’est justice. L’égalité absolue n’est qu’un doux rêve. Si un ouvrier mineur devient le guide et le chef de ses confrères, ce n’est pas sans qu’il y ait pour cela de bonnes raisons. Il en fut une pour le sujet qui nous occupe, c’est que M. Basly fut un vaincu dans la fameuse grève de 1884, à Anzin, en se portant à la défense du travail manuel, L’idée de la supériorité du travail manuel sur le travail intellectuel, pour être une idée sauvage, n’en existe pas moins dans les sociétés civilisées. D’elle découlent la loi de la supériorité du nombre, du droit de la force, des prétentions de la main-d’œuvre sur le produit, la lutte du labeur des bras contre le capital qui est pourtant la somme d’un travail réalisé. Dans toutes les grèves, dans tous les discours prononcés par ceux qui les fomentent ou les entretiennent, vous rencontrez à chaque instant cette idée, qui vient d’un défaut de l’esprit et d’une insuffisante instruction.

Ce fut à Arras, au mois de novembre 1891, que, sous l’action du gouvernement, favorable aux ouvriers, se tint cette assemblée. d’arbitres qui devait dans la pensée de quelques-uns fixer pour longtemps les salaires des mineurs et les unir dans un intérêt commun pour développer une des richesses les plus précieuses du sol français. Dans l’impossibilité pratique d’assigner un salaire fixe pour un travail qui présente des conditions si diverses et si variables, il fut convenu que l’ouvrier à la veine, véritable maître du chantier, recevrait, un salaire minimum fixe d’environ 4 fr. 80, auquel viendrait s’ajouter une prime de 20 pour 100. On avait pris pour base la moyenne des salaires payés durant les années 1889-90, période de prospérité pour l’industrie houillère. Il convient d’ajouter que les journées de travail devant être réduites de dix ou neuf heures à huit heures et demie en y comprenant le temps du repas, c’est-à-dire à huit heures de travail effectif, et que les heures supplémentaires étant supprimées au profit des ouvriers faibles et au détriment des ouvriers forts, la moyenne prise pour base assurait une véritable augmentation du salaire fixe que venaient compléter les 10 pour 100 de prime consentis par les compagnies en plus des 10 pour 100 qu’elles payaient déjà. Les délégués des mineurs qui réclamaient une augmentation de 20 pour 100 s’estimèrent donc heureux d’en avoir obtenu la moitié avec un minimum de paye qui semblait dépasser toutes leurs espérances. Cependant ils furent accusés par quelques-uns de leurs commettans d’avoir fait trop de concessions, d’avoir conclu un marché de dupe ou, tout au moins, de n’avoir pas rendu la convention irrévocable. Ils l’avaient bien tenté, mais il parut impossible aux ingénieurs de l’Etat comme aux agens des