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encore été reçues. Constatons encore que, tout en reprenant définitivement ses petites monnaies d’argent, l’Italie s’interdit absolument d’en augmenter la frappe ; et, sans qu’il soit besoin d’insister ici sur d’autres précautions d’ordre secondaire, on reconnaîtra que l’esprit de conciliation n’a pas exclu chez les délégués français, et particulièrement chez celui d’entre eux qui, par sa compétence spéciale, était l’âme des négociations, M. de Foville, directeur de la Monnaie, la prudence, on pourrait même dire la vigueur que leur conseillaient l’attitude politique et la détresse financière du gouvernement italien.

Ainsi conçu, le pacte soumis à l’approbation des Chambres ne pourrait guère être attaqué que par les hommes qui, hostiles à toute demi-mesure, réclament bruyamment la dénonciation pure et simple de l’Union latine. Mais, qu’ils y prennent garde ! est-on sûr que des perturbations de plus en plus graves ne suivraient pas ce troisième coup d’État monétaire venant après ceux qui, cette année même, ont eu pour théâtres Calcutta et Washington ?

Puis, il faut bien se dire que les conditions édictées par la convention de 1885 en vue d’une liquidation totale de l’Union sont bien moins sévères pour nos débiteurs et, par suite, bien moins rassurantes pour nous, que celles qui viennent d’être appliquées au rapatriement des monnaies d’appoint italiennes. À cet égard, le dernier discours prononcé par le baron de Renzis, premier délégué de l’Italie, mérite d’être médité. Et, cela étant, si l’on s’étonne que le cabinet Giolitti ait fini par se plier à nos exigences, c’est qu’avant tout il y a urgence à calmer l’état d’exaspération auquel ont été peu à peu amenées ces villes et ces campagnes de la haute Italie où, depuis des mois, on en est réduit à utiliser comme monnaie, pour les petites transactions de la vie quotidienne, des timbres et des cartes postales, voire même des paquets de tabac ou de sel, à l’instar des tribus de l’Afrique centrale.

Cette convention monétaire aura vraisemblablement été le dernier acte diplomatique du cabinet Giolitti, qui s’est effondré le 24 de ce mois, sans interpellation, sans vote, le lendemain de l’ouverture du Parlement italien, à la suite de deux séances des plus orageuses, provoquées par la lecture du rapport de la commission d’enquête sur l’affaire des Banques. M. Giolitti et ses collègues sont frappés beaucoup plus pour ce qu’ils ont su et volontairement caché, que pour ce qu’ils ont fait ; car les fautes les plus graves, dans cette triste affaire, ont été commises avant leur entrée au pouvoir.

On a discuté avec passion, au printemps dernier, à la Chambre italienne, pour savoir si le comité des Sept, chargé de l’enquête parlementaire sur les désordres de la Banque romaine, ferait connaître le résultat de ses travaux avant le vote de la loi sur la réorganisation des banques d’émission, qui a consisté à doter un établissement unique —