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Mecque par voie de terre, purgent leur quarantaine. C’est là une circonstance importante, car on sait avec quelle facilité les musulmans savent échapper aux cordons sanitaires.

Ligne Beyrouth-Alep-Beredjik (l’Euphrate)-Telek (600 kilomètres). Cette ligne est destinée à un grand avenir. Il suffit de jeter les yeux sur la carte pour comprendre son importance. Elle relie Alep (15000 habitans) à Beyrouth (120000 habitans) ; elle traverse des localités de 40000 à 60000 habitans. telles que Homs et Hama, et des plaines immenses d’une fertilité admirable. Elle paraît donc assurée d’un transit considérable ; mais ce qui fait surtout sa valeur, c’est qu’elle établit une communication rapide entre l’Euphrate et le littoral de la Méditerranée et relie ainsi à Beyrouth Bassorah, Bagdad et Mossoul. Dès lors toutes les provenances de la Mésopotamie, du golfe Persique, d’une partie de la Perse trouveront là un débouché naturel, et la force même des choses créera un immense courant de voyageurs et de marchandises se dirigeant sur Telek ou Beredjik.

Alep, que traversaient autrefois les interminables caravanes venant de l’Inde et de la Perse, Alep, déchu depuis le percement du canal de Suez, va probablement, retrouver une partie de son ancienne splendeur et de ses richesses d’autrefois.

Malheureusement, ce courant humain venant de la Perse et de la Mésopotamie qui va se jeter sur Beredjik ne sera pas sans danger au point de vue de la propagation des épidémies. Avec quelle facilité le choléra sera-t-il transporté de Bombay à Bassorah, de Bassorah à Alep, et d’Alep à Beyrouth ! Et la peste, dont les foyers sont encore vivans en Mésopotamie et en Perse, la peste, dont l’éloignement et l’isolement ont peut-être été, jusqu’ici notre meilleure sauvegarde, ne deviendra-t-elle pas menaçante le jour où la rapidité des communications drainera les productions et les habitans des localités où elle est endémique ?

Ces diverses éventualités doivent être prises en sérieuse considération, et nous devons dès maintenant songer aux moyens de protéger le littoral syrien. Sans doute, l’administration turque ferait, le cas échéant, les plus sérieux efforts pour localiser l’épidémie. Nerveuse comme toujours, et plus encore que d’habitude, car la ligne Beyrouth-Beredjik doit dans un avenir plus ou moins rapproché être reliée à Constantinople par une autre ligne, elle appliquerait avec une sévérité plus rigoureuse qu’avisée le système des quarantaines à outrance qui constitue son programme sanitaire. Or ce système est absolument jugé, et s’il nous fallait de nouvelles preuves pour démontrer son insuffisance, je rappellerais que, au printemps de 1889, le choléra a fait son apparition à Bassorah venant de Bombay. De là, remontant le Tigre, il s’est