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Il serait injuste toutefois de ne pas tenir compte des difficultés particulières inhérentes au grand pèlerinage du Hedjaz. S’assurer de l’état sanitaire de plus de 20000 pèlerins, cette année plus de 30000, qui arrivent parfois au nombre de 2000 à 3000, et passent le détroit dans un intervalle de trois à quatre mois avant les fêtes de la Mecque ; pourvoir aux moyens de sanitation, de désinfection de ces pèlerins, qui sont dans l’état le plus misérable, des navires qui les amènent, est une tâche difficile pour le gouvernement ottoman. Elle pourrait être réalisée par l’entente des principales puissances de l’Europe, qui devraient y consacrer les sommes nécessaires pour créer des établissemens modèles, dirigés par un personnel surtout européen, dévoué et compétent, mais que la rigueur du climat fatiguerait vile, et qui devrait être fréquemment renouvelé.

La prophylaxie maritime telle qu’elle existe aujourd’hui, telle qu’elle a existé pendant les derniers pèlerinages dans la Mer-Rouge, telle qu’elle est dans le golfe Persique, où les vapeurs venant de Bombay pénètrent jusque dans l’Irak-Arabi sans être soumis à une surveillance quelconque, nous donne peu de sécurité. J’ajouterai que le gouvernement turc, étant tenu d’après les conventions internationales de faire les frais nécessaires à l’outillage des établissemens quarantenaires des deux golfes Persique et Arabique, excipera de la situation difficile de son budget, et les choses en resteront là. Il conviendrait de créer des ressources à l’aide de taxes sur la navigation de la Mer-Rouge ou le golfe Persique, ou sur le pèlerinage, afin de porter remède à la situation.

Les mesures dont nous venons de parler visent les pèlerins se rendant à la Mecque ; mais ce n’est pas tout. Malgré les précautions prises, le choléra peut y éclater : il faut alors protéger l’Egypte et les puissances qui bordent la Méditerranée contre les pèlerins qui rentrent par le canal de Suez au Maroc, en Algérie, en Tunisie, en Tripolitaine, en Syrie, en Bosnie, en Turquie. Le gouvernement égyptien a institué dans ce dessein, comme nous l’avons déjà indiqué, une station sanitaire à Djeb-el-Tor, localité située sur la côte arabique de la Mer-Rouge, au pied du mont Sinaï.

À Djeb-el-Tor, il y a eu en 1893 un encombrement considérable : le nombre des pèlerins qui y font quarantaine (31000) laisse bien loin derrière lui les chiffres constatés pendant les années précédentes. C’est aussi la première fois qu’une flotte de vingt-trois navires a mouillé devant cette station quarantenaire. Tout est presque à faire et à organiser à Tor, qui, admirablement disposé par la nature, est tout à fait insuffisant comme