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Parole fière, belle et vraie, rappelée par le président du conseil dans le discours qu’il a prononcé sur le cercueil de Mac-Mahon. La majesté de ces obsèques nationales, aux Invalides, l’émotion profonde des assistans, ont témoigné à quel point la personne du maréchal, dégagée des polémiques et des controverses, apparaitcomme celle d’un grand citoyen dont la France a droit de s’enorgueillir.

Cette destinée d’un de ses prédécesseurs, violemment et fréquemment attaqué et pour ce qu’il faisait et pour ce qu’il ne faisait pas, contient d’intéressantes leçons pour le président de la République, actuellement en exercice, qui ne peut s’attendre à beaucoup plus d’indulgence de la part des partis en présence. Le moment, lui dit-on, est venu de vous montrer. Il peut être utile de prendre en certains cas l’attitude de l’impassibilité, mais il n’en faut pas abuser. Il n’est pas établi en principe que le président soit uniquement fait, comme le disait récemment à M. Carnot, avec quelque impertinence, le socialiste Fournière, « pour occuper le fauteuil du milieu dans les cérémonies publiques » ; ce qui le réduirait à n’être qu’une sorte d’annexé ornementale du mobilier national. En un mot il n’est pas raisonnable qu’il vive, retiré des affaires publiques, dans le premier poste de l’État. Ceux qui parlent ainsi ne demandent pas absolument au président, comme jadis certains partis conservateurs à leurs chefs, de « monter à cheval » ; mais on voudrait qu’il mît lui-même la main au gouvernail, qu’il usât des prérogatives que la constitution lui confère, qu’il indiquât ses préférences.

Toutes les fois cependant que M. Carnot a voulu faire ainsi ce qu’on lui conseille, toutes les fois qu’il a timidement manifesté des sympathies ou des antipathies, comme on conte qu’il l’aurait fait dans la constitution du ministère actuel, d’autres voix, les mêmes peut-être, n’ont pas manqué de s’élever contre le président, en déplorant cet exercice du « pouvoir personnel » et le système du « bon plaisir ». Les mêmes questions se posent aujourd’hui, où la convocation du Parlement est officiellement annoncée pour le 14 novembre, et l’on peut les résumer ainsi : Les dernières élections législatives ont modifié la composition de la Chambre, en dépossédant les radicaux et surtout les conservateurs d’une grande partie de leurs sièges au profit des républicains modérés. Une majorité homogène de cette nuance est en voie de formation ; on peut même penser qu’elle est virtuellement constituée. Dans ces conditions, le ministère actuel, produit de l’ancienne concentration de l’opportunisme et du radicalisme, doit céder la place à un ministère à son tour homogène, image de la majorité naissante. Mais comment et à quel moment devra se constituer ce ministère ? Sera-ce M. Carnot qui, avant la réunion des Chambres, redemandera à M. Dupuy et à ses collègues leurs portefeuilles ? Sera-ce M. Dupuy qui prendra les devans, et offrira la démission collective des titulaires en