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gêné le commun dos hommes qui écrivent. On ne voit guère que les compositeurs d’imprimerie qui aient intérêt à être fixés sur la matière. Cependant, puisque la question est soulevée, essayons d’y répondre. Disons donc que la majuscule paraît indiquée du moment qu’il s’agit d’un nom ou d’un ensemble de noms pouvant être assimilés à un nom propre, qu’on ait à parler d’un personnage véritable ou d’une personne morale. On écrira donc : la Comédie-Française, le Palais de Justice, la Chambre des Députés, le Gaz Parisien, le Bon Marché. Ces majuscules contribuant à la clarté, il n’y a aucune raison pour s’en priver.

Mais sous ce chapitre des majuscules, la note de M. Gréard comprend un second point bien différent. Je continue de citer : « N’est-il pas inconséquent de dire : « Ce ministre est le Mécène des « poètes » et : « Ce vieillard est le mentor de la famille » ? Dans l’un et l’autre cas il y a métonymie : la différence du traitement orthographique ne semble pas justifiée. »

N’en déplaise à MM. les protes, ici il n’y a plus moyen d’établir une règle uniforme. C’est affaire de tact et d’appréciation. On écrira avec la minuscule : « Cette femme est un vrai cerbère », — « Nous avons un amphitryon charmant ». Mais la majuscule s’imposera ailleurs, par exemple si l’on écrit : « Ces comédiens voyagent avec leur Barnum », — « Les Capitaine Fracasse de la politique. » Quand un nom propre, pour une cause ou une autre, est arrivé à ce genre de notoriété que la personnalité disparaît absolument derrière l’idée qu’il représente, la petite lettre est de mise. Mais aussi longtemps qu’à travers le nom commun nous entrevoyons le personnage, il faut s’en tenir à la majuscule. Certains noms sont sur la limite ; à chacun de se décider selon la circonstance.

Cette réponse, je le sais, ne satisfera point ceux qui réclament « un principe ». Mais il faut dire dès les premiers pas ce que la suite montrera de plus en plus : une langue, surtout une langue possédant une riche littérature, n’est pas un système où tout soit coordonné et marche d’un mouvement égal : c’est une œuvre qui se fait et se défait sans cesse, à laquelle les siècles collaborent, chaque époque profitant du travail de l’époque antérieure et laissant quelque chose à faire à la suivante. On peut comparer ces intérieurs d’anciennes et nobles familles où l’on voit des meubles de tous les temps et des souvenirs de tout âge : vouloir les ramener à un seul et même modèle serait une tentative aussi malaisée que peu désirable.

Nous passons au second article, qui est assez analogue au premier. Il s’agit de ces petits signes destinés à unir les mots et qu’on appelle des tirets. La note fait observer qu’on a supprimé le tiret