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ration et de prudence que des propositions fermes : on peut soupçonner qu’il s’était mis à l’œuvre par obéissance au devoir plutôt que par goût et par vocation. La discussion s’est ressentie de cet état de choses. Des votes ont été rendus ; mais, à peine les suffrages recueillis et comptés, on en a contesté l’autorité.

Cédant à une amicale invitation, je viens à mon tour donner mon avis. C’est à titre de linguiste que je dois parler ; mais, pour dire la vérité, la linguistique a peu de chose à voir dans la question. Ce que je peux faire surtout, c’est de remettre en mémoire quelques règles de conduite bien connues des académiciens d’autrefois, et que l’éloignement a fait un peu perdre de vue. Toutes les fois que l’occasion s’en trouvera, je laisserai donc la parole aux premiers auteurs du Dictionnaire. Ce seront encore les meilleurs guides : leur savoir un peu terre à terre, mais pratique, leur bon sens et leur exactitude, sont encore aujourd’hui de saison.

Il ne me reste plus maintenant qu’à prier le lecteur de s’armer de courage, car la liste des abus à corriger est longue. Après que nous l’aurons épuisée, nous examinerons les motifs donnés à l’appui de cette grande réforme. L’état de notre langue justifie-t-il ces nombreux changemens ? quelle en est l’utilité ? d’où vient ce mouvement ?

I

Une première remarque à faire, c’est que le rapporteur semble avoir eu l’intention de contenter des réclamans de très différentes sortes. Il commence par s’adresser à ceux qui trouvent que l’Académie n’a pas encore assez réglementé l’orthographe et que nous jouissons d’une trop grande liberté. Parmi les douze articles que comprend le rapport, il y en a deux, — les deux premiers, — qui proposent de trancher d’une façon définitive certains cas où jusqu’à présent nous allions un peu au hasard et selon l’inspiration du moment. On devine que ces cas, qui avaient échappé à l’œil des Beauzée et des d’Olivet, ne doivent pas être de très haute importance. Mais si mince que soit ce reste de liberté, il y a, paraît-il, des gens que cela embarrasse.

Il s’agit d’abord des lettres majuscules. Nous citons le rapport : « Est-ce par une série de fautes d’impression que, pour certains mots, le Dictionnaire porte tantôt une majuscule, tantôt une minuscule ? qu’il écrit : « La Bourse de Paris est un beau monument » et « La bourse de Paris est périptère » ; — « Le Théâtre-Français » et « La Comédie française » ; — « Hérodote est le père de l’histoire, François Ier est le Père des Lettres » ?

On pourrait répondre que c’est la preuve d’une lecture bien attentive du Dictionnaire et que ces variations n’ont pas beaucoup