Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 120.djvu/11

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LES
NÉGOCIATIONS ET LA PAIX
(1656-1659)[1]


I. — NÉGOCIATION DE MADRID, 1656. — HUGUES DE LIONNE.

Au mois de juin 1686, un voyageur, monté sur un mulet, traversait les Pyrénées par une des passes les moins fréquentées, et rejoignait sur la grande route un carrosse venant de Bayonne, dans lequel se trouvaient deux ou trois gentilshommes francs-comtois : ainsi disait le passeport présenté à la frontière. Aux portes de Madrid, les voitures du premier ministre, don Luis de Haro, attendaient le mystérieux voyageur et le conduisirent au palais du Buen-Retiro (14 juillet). Le nom du personnage, entouré de telles précautions, n’était révélé qu’au premier ministre. Il apportait un pouvoir illimité du roi de France pour traiter de la paix entre les deux couronnes et en fixer les conditions ; le secret, un secret absolu, lui était prescrit. L’objet de la mission fut assez vite pénétré ; le nom du négociateur, quelque temps ignoré, puis deviné, finit par être connu de tous ceux qui avaient intérêt à le savoir.

Hugues de Lionne ! L’épicurien, l’ami, la plume de Mazarin[2]. Son souvenir reste attaché aux plus brillans succès diplomatiques du règne de Louis XIV. Jamais la politique traditionnelle de la

  1. Histoire des princes de Condé, liv. VI, chap. XI. — Ce chapitre est consacré aux négociations qui aboutirent au retour de Condé dans sa patrie. L’extrait que nous publions suit le récit de quelques tentatives restées sans résultat.
  2. La plume de Mazarin, au moins au figuré ; si le style de ses dépêches est toujours ferme, clair, souvent pittoresque, l’écriture, serrée et menue, est presque indéchiffrable. Quant à l’ami, il fut un moment délaissé, pris en aversion, traité de « lâche coquin ». C’était l’œuvre de l’abbé Foucquet, et cela dura quelques mois (1651).