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formèrent, dans les premiers jours d’août, à Valladodid et à Vitoria. Les désordres furent tels au passage du général Lopez Dominguez, ministre de la guerre, qui traversa en chemin de fer cette dernière ville, que l’armée dut intervenir. L’agitation se propagea le long du littoral, à Santander, et jusque dans la Nouvelle-Castille, à Tolède, où les viticulteurs refusèrent de payer la contribution foncière, si le gouvernement maintenait le nouvel impôt de 5 centimes par litre sur le vin. Il est certain que cet impôt, comparé à la valeur vénale de la marchandise, est très lourd ; mais il est aussi très clair que, seul, le programme du ministère actuel, impitoyablement appliqué dans toutes ses parties, peut sauver le crédit et, partant, la prospérité de l’Espagne.

À la fin d’août, l’irritation des provinces du nord-est, habilement exploitée par des meneurs, amena à Saint-Sébastien une émeute véritable, dirigée cette fois contre le président du conseil, et qui, massée devant l’hôtel où il était descendu, poussait les cris de : « Mort à Sagasta ! Vivent les fueros ! » La garde civique dut faire feu à plusieurs reprises ; il y eut une trentaine de blessés et plusieurs morts. Bien que ces troubles, qui motivèrent des arrestations nombreuses, fussent en grande partie le résultat de mécontentemens locaux, provoqués tant par les innovations dont je viens de parler et qu’un décret mit en vigueur quelques jours plus tard, que par un projet de loi annoncé aux Cortès pour la fin de l’année, et destiné à augmenter, au détriment des libertés locales, l’autorité du pouvoir central, il n’en est pas moins très probable que les républicains intransigeans, — quoiqu’ils s’en défendent, — et tout au moins les socialistes, n’aient pris une part active aux événemens de Saint-Sébastien, comme à tout ce qui peut entraver la marche régulière du gouvernement.

Les attentats auxquels ils se livrent périodiquement en sont la preuve. Au mois de juin, c’était à la maison de M. Canovas qu’ils s’attaquaient ; et le procès qui se déroulait peu de temps auparavant à Xérès prouvait amplement que les anarchistes du nord de l’Espagne étaient en relation avec ceux du sud, auteurs des fréquentes explosions de la Catalogne. La dernière tentative des « propagandistes par le fait » a pensé coûter la vie au maréchal Martinez Campos, capitaine-général à Barcelone. Deux bombes, jetées sous ses pas, le mois dernier, éclatèrent en tuant deux personnes, et le maréchal, renversé sous son cheval éventré, n’échappa que par miracle. Quoique l’assassin, jugé et exécuté depuis, ait prétendu avoir agi sans complices, tout fait présumer qu’il n’a été, dans cet odieux attentat, que l’agent d’exécution d’un complot supérieur.

Le chef du cabinet espagnol, qui clôturait cette période de vacances fort agitées par une chute malheureuse où il se cassait la jambe, s’est