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au cours actuel de ce métal, une perte de près de moitié. Nous n’en voulons rien faire, pour ne pas accabler un ancien ami que nous espérons toujours voir revenir à nous.

Et pourtant c’est l’Italie qui, dans ce déchaînement de mauvaises paroles contre la France, se montre la plus acharnée. C’est elle qui, pour riposter à la visite de l’escadre russe à Toulon, a conçu le projet passablement puéril, puisqu’il est sans portée, de faire croiser dans la Méditerranée son escadre permanente, qui devait, après les grandes manœuvres navales, aller stationner à Venise ; c’est elle, dont l’ambassadeur à Londres, le comte Tornielli, s’est efforcé de transformer le passage de l’escadre anglaise qui, avant de rentrer dans son port d’attache, après avoir passé le printemps et l’été sur les côtes de l’Asie-Mineure et dans l’Archipel, s’en va, presque chaque année à cette époque, jeter l’ancre dans quelques ports italiens, en une manifestation imposante de la Grande-Bretagne, d’où l’on eût pu augurer l’accession prochaine de la reine Victoria à la triple alliance.

Il n’est pas jusqu’au sultan que l’on a voulu représenter comme fort inquiet de la présence d’une escadre russe aussi imposante dans les eaux méditerranéennes ; il n’est pas jusqu’à la Suède, de l’inimitié de qui l’on ne nous ait menacés, comme si chacun ne savait pas qu’en faisant la part la plus large aux sympathies allemandes du roi Oscar, elles ne le détermineront jamais à sortir de la neutralité où la péninsule Scandinave, et particulièrement la Norvège, a la ferme intention de se maintenir.

En ce qui concerne les navires commandés par l’amiral Seymour, leur visite était présentée à Rome comme une démonstration destinée à intimider la Russie, — on voulait dans ce dessein les recevoir avec pompe, en envoyant au-devant d’eux l’escadre italienne jusqu’à Tarente ; on projetait de leur donner, à Naples, des fêtes qui auraient été le pendant de celles de France et auxquelles le roi et la reine d’Italie auraient pris part. Tout ce beau programme s’est effondré devant les déclarations formelles du cabinet de Londres, qui ne veut ni laisser croire à son adhésion à quelque alliance que ce puisse être, ni permettre que l’on exploite le mouillage des vaisseaux britanniques comme une protestation contre la présence de l’escadre russe à Toulon. Si bien qu’au lieu d’un triomphe pour leur politique, l’excès de zèle des diplomates italiens n’a servi qu’à rendre plus sensible son échec, dans une entreprise où M. Crispi en avait, il y a trois ans, recueilli un tout semblable.

L’Angleterre n’a aucune raison pour être mal avec l’Italie ; elle a même, à son point de vue, de bonnes raisons pour désirer que cette puissance joue un rôle dans le bassin méditerranéen ; mais de là à entrer dans la triplice il y a loin. Depuis plus d’un an, l’augmentation