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MM. Lawes et Gilbert[1] ont trouvé que l’Agrostis vulgaris et le paturin dominaient dans la parcelle aux sels ammoniacaux et le Bromus mollis dans celle au nitrate de soude ; or, ce brome, enfonçant ses racines jusqu’à une grande profondeur, a pu saisir les réserves d’humidité du sous-sol, braver la sécheresse qui a réduit considérablement les espèces à racines traçantes de la parcelle aux sels ammoniacaux et surtout les nombreuses espèces chétives de la parcelle sans engrais.

Il est bien à remarquer, en outre, que pendant cette année 1870 la récolte du blé atteignit à Rothamsted, malgré la sécheresse, 31 hectolitres 5 à l’hectare, c’est-à-dire qu’elle fut supérieure à la moyenne des récoltes précédentes ; le contraste entre la faiblesse des rendemens de la prairie sans engrais et du blé est semblable à celui qu’on observe en France cette année.


V

Quoi qu’il en soit, au commencement de mai, il était certain que la récolte de foin était perdue, il fallait se hâter de porter remède à une situation difficile. Que faire ? Les conseils n’ont pas manqué. Dès le 3 mai, M. le ministre de l’agriculture adressait aux professeurs départementaux d’agriculture une instruction sur le semis de fourrages spéciaux destinés à combler le déficit causé par la sécheresse.

Puis, plus tard, quand on reconnut que malgré les pluies de la fin de mai, de juin et de juillet, les ressources fournies par les prairies et par les plantes fourragères nouvellement semées seraient manifestement insuffisantes, arriva une nouvelle circulaire destinée à indiquer à quelles matières alimentaires il fallait avoir recours.

Les professeurs que, très judicieusement, le gouvernement de la république a placés dans chaque département, ne se sont pas épargnés ; ils ont multiplié les conférences, se transportant d’une commune à l’autre, relevant les courages par de sages conseils ; les feuilles locales ont reproduit leurs instructions ; les praticiens éclairés que les Écoles répandent chaque année dans le pays, vers lesquels tout le monde tourne les yeux au moment de crise, ont de leur côté indiqué ce qu’ils faisaient, ils ont prêché par la parole et par l’exemple ; les feuilles agricoles, les journaux politiques, dans

  1. Cet important Mémoire, auquel les conditions atmosphériques de cette année donnent un nouvel intérêt, a paru dans The Journal of the R. agricullural Society of England, t. VII, 2e série, 1re partie, 1871. J’en ai donné une traduction dans le tome Ier des Annales agronomiques, p. 251-551.