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racines, même dans une terre infiniment moins riche que celle des couches supérieures et ne présentant pas un degré d’humidité beaucoup plus élevé.

Le blé sait donc se défendre contre la sécheresse en formant un lacis de racines puissantes qui s’enfoncent dans le sous-sol et finissent par trouver un approvisionnement d’eau suffisant pour subvenir à l’évaporation formidable des feuilles.

Il n’en est plus ainsi du raygrass, de la graminée de la prairie ; ses racines sont disposées en grosses touffes qui s’épanouissent, se ramifient dans les couches superficielles, les premières atteintes par la sécheresse ; c’est à peine si quelques filets descendent jusqu’à 75 centimètres de profondeur. Il semble en outre que toutes les racines ne présentent pas la même aptitude à disputer l’eau à la terre ; le gazon succombe dans une terre qui renferme encore 7 à 8 centièmes d’humidité, le blé y vit et y prospère.

Toutes les plantes qui composent les prairies permanentes ne sont pas aussi facilement atteintes par la sécheresse que le raygrass, sur lequel ont porté les observations précédentes. Dans un mémoire sur les effets de la sécheresse de 1870 à Rothamsted, MM. Lawes et Gilbert rapportent les résultats très curieux que leur a fournis une prairie divisée en un certain nombre de parcelles ; chacune d’elles recevait tous les ans le même traitement, qui naturellement variait d’une parcelle à l’autre ; l’une, par exemple, restait toujours sans engrais, tandis qu’à côté, une autre parcelle recevait une fumure composée de sels ammoniacaux, de superphosphate, de chlorure de potassium et de sulfate de magnésie ; la fumure d’une troisième comportait les mêmes engrais minéraux que la précédente, mais le nitrate de soude y remplaçait les sels ammoniacaux.

Tandis que pendant cette année 1870, remarquablement sèche, on récoltait sur la parcelle sans engrais la valeur de 725 kilos de foin à l’hectare, que le déficit sur une année moyenne s’élevait à 2,046 kilos, la parcelle aux sels ammoniacaux donna 3,625 kilos de foin à l’hectare ; année moyenne, elle en fournissait 6,527, le déficit fut donc de 2,902 kilos ; enfin la terre qui reçoit tous les ans le nitrate de soude donne, année moyenne, 7,250 kilos de foin à l’hectare ; en 1870, on en recueillit 7,000, le déficit était seulement de 250 kilos.

Or, en 1870, à Rothamsted, il était tombé 76 millimètres d’eau en avril, mai et juin ; c’est encore plus que nous n’en avons eu en France cette année, et cependant la parcelle sans engrais ne donna qu’une récolte absolument misérable.

Comment expliquer les énormes différences constatées entre ces