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d’abord que la prairie ait tant souffert de la sécheresse et le froment si peu ? Comment se fait-il encore que le blé de pleine terre donne une récolte passable, tandis que celui des cases n’en fournit qu’une médiocre ? La recherche de ces causes a d’autant plus d’intérêt que le contraste entre le blé et la prairie est général ; tandis que la disette fourragère entraînait les désastres que nous venons de rappeler, la récolte de froment est évaluée à 97 millions d’hectolitres : c’est presque une récolte moyenne.

Pour le savoir, j’ai examiné les racines ; quand on fait exécuter des fouilles dans une terre assez compacte pour être taillée en un mur vertical, on découvre sans peine les fines racines du blé ; elles descendent verticalement dans le sol, s’enfoncent tout droit, on les suit au-delà d’un mètre de profondeur ; il est très difficile de les isoler, car elles sont très friables ; cependant avec beaucoup de temps et de patience, on a réussi à les extraire intactes de la terre meuble des cases de végétation ; après avoir parcouru les 95 centimètres de terre qu’elles renferment, les racines ont rencontré les cailloux qui reposent sur le fond de ciment pour assurer le drainage ; elles s’y sont ramifiées, puis ont rampé à la surface du ciment. Ces racines présentaient une longueur de 1m, 75.

En pleine terre, les racines ont été facilement suivies jusqu’à 1m,20 ; à cette profondeur, elles ont rencontré une couche de calcaire grossier fendillé, elles ont rampé à la surface, puis, profitant des moindres fissures, ont pénétré plus avant, et se sont enfoncées dans la terre meuble sous-jacente, qui n’était guère plus humide que les couches placées au-dessus du calcaire grossier.

En procédant à la recherche des racines de blé dans la terre noire compacte de la Limagne d’Auvergne où par places la récolte a été très bonne, puisqu’on a obtenu 34 et même 42 hectolitres à l’hectare, on voit encore ces racines s’enfoncer tout droit dans une terre renfermant encore 25 centièmes d’humidité sans s’y arrêter, les minces filets pénètrent dans toutes les fissures produites par le passage des insectes ; à 1m,20, on les a perdues, mais elles s’enfonçaient encore plus bas.

Les racines du blé, au lieu de s’épanouir dans les couches superficielles, comme on les représente habituellement, ont formé, cette année, des filets très allongés, très fins, très friables, qui se sont surtout ramifiés dans les couches profondes. Il est bien curieux de constater que, pendant ce printemps exceptionnel, le blé ait pâti dans une terre d’excellente qualité, présentant une profondeur d’un mètre, mais reposant sur un sous-sol imperméable, tandis qu’il a donné une récolte passable à Grignon, bonne et très bonne dans la Limagne, quand il a pu librement enfoncer ses