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Car du pain des héros ceux-là te nourriront
Et, pour les fiers desseins ébauchés sous ton front,
Ce qu’il te faut savoir, ceux-là te l’apprendront.

Apprends d’eux à choisir le rare et noble thème,
À ne vêtir jamais de la forme suprême
Rien que d’essentiel au regard de toi-même.

N’est-il pas d’art plus digne et de métier plus beau
Que d’aller, jour à jour et lambeau par lambeau,
Labourer tristement son cœur et son cerveau ?

Fais ton œuvre d’or pur et non vaste et d’argile ;
Songe au tendre Racine et songe au grand Virgile,
Et que la foi d’un monde est toute en l’Évangile.

— Car, pour unir la force aux sereines douceurs.
Afin que Poésie et Sagesse soient sœurs,
Aux poètes élus tu joindras les penseurs.

Leur âme de lumière ou d’amour, fais-la tienne.
Qu’elle soit d’origine ou païenne ou chrétienne.
Pourvu qu’un grand espoir la hausse et la soutienne.

Ne t’inquiète pas : Pensent ils comme moi ?
S’ils pensent autrement, tu comprendras pourquoi
Et tu transposeras leur croyance à ta foi ;v

Car si, chacun suivant son rêve solitaire,
Leur essor les disperse au départ de la terre,
Ils se dirigent tous vers le ciel du mystère.


III.


Prends les livres, mais vois des hommes à côté,
Ceux dont la vie, égale au chef-d’œuvre vanté.
Est, à titre pareil, une œuvre de beauté.

Chéris les jeunes gens que rien encor ne lasse
Et qui, loin des appels de la volupté basse,
Ont gardé pour l’amour la pudeur et la grâce ;