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Bassal et Bernard de Saintes prenaient l’arrêté suivant, que le comité de Salut public s’empressa de ratifier : « Au nom de la république française, les représentans du peuple délégués par la Convention nationale, pour les départemens de la Côte-d’Or, du Jura, du Doubs, de la Haute-Saône, du Mont-Terrible, de l’Ain,.. Instruits que plus de quatre cents patriotes du Locle et de la Chaux-de-Fonds, tous connus pour leur attachement à la révolution française, presque tous associés, avant leur passage dans le territoire de la république, à toutes les sociétés populaires du département du Doubs, tous vexés et proscrits de leurs familles par un gouvernement ennemi de l’égalité, ont cherché un asile dans la ville de Besançon, où ils se proposent d’exercer leur industrie et leurs talens dans l’horlogerie d’une manière qui promet à la république les plus grands avantages par cette nouvelle branche de commerce… considérant que cette nouvelle industrie introduite dans la République doit payer amplement, même dans le cours de la première année, les sacrifices que l’humanité commande en faveur des artistes qui abandonnent leurs ateliers et leurs foyers pour se soustraire à l’oppression et pour transporter sur le sol français une source d’industrie aussi précieuse… » Facilités de transport pour introduire leur mobilier, leurs outils, en exemption de droits, indemnités de logement à l’arrivée, avances de matières d’or et d’argent pour la fabrication des boîtes de montres, ces diverses questions faisaient l’objet de dix articles. Et d’avoir ainsi fondé une industrie nationale qui ne pouvait prospérer que pendant la paix, ce n’est pas un des moindres titres d’honneur du comité de Salut public, menacé chaque jour par les intrigues des partis, par l’émeute parisienne, faisant face avec une énergie implacable à la guerre extérieure et intérieure. Comme point de départ, la création d’une manufacture d’horlogerie ; comme point d’arrivée, la formation d’un centre industriel qui rayonnerait de tous côtés, l’idée avait une base solide, et le succès la consacra. La manufacture ne dura guère, puisqu’elle prit fin dès l’an XI, après bien des procès ; mais elle avait attiré une foule d’artistes indépendans, et ceux-ci achevèrent l’œuvre commencée, fécondèrent une industrie qui aujourd’hui fait vivre quarante mille personnes dans le seul département du Doubs. De nombreux auxiliaires leur prêtèrent main-forte, tels ces comptoirs échelonnés le long de la frontière neuf-châteloise, ces ateliers de famille qui pendant l’hiver fabriquaient roues, cylindres, verges, finissages, plantages, boîtes. Déjà d’ailleurs, vingt ans avant la Révolution, Frédéric Japy avait installé à Beaucourt un atelier de famille où, à l’aide d’un outillage primitif, se tournaient, se limaient à la main les ébauches de montres ; voilà l’origine de cette puissante maison Japy, dont les