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à cause des réserves de matériel qu’on y pratique depuis longtemps. D’ailleurs, tous les produits des forêts gérées par l’État sont vendus ou délivrés aux communes propriétaires, et la Franche-Comté est en quelque sorte la terre classique de l’affouage, ad focum, portion de bois nécessaire à l’entretien du foyer.

Le droit au bois, considéré dans les temps primitifs comme un droit naturel, dut se régler lorsque les communes s’organisèrent, et le partage s’effectua en vertu de coutumes variables, que sanctionnèrent divers actes législatifs. L’article 105 du code forestier maintint les anciens usages, mais posa le principe du partage par feu appliqué déjà en Haute-Saône pour le bois de chauffage ; en beaucoup d’endroits le bois de service continua de se délivrer par toisé de bâtiment, pratique trop favorable aux gens riches au détriment des petits. Avec la loi du 23 novembre 1883, on passa d’un extrême à l’autre : tel célibataire aisé et avare, louant une seule chambre, aura la même portion qu’un pauvre père de famille chargé de douze enfans, obligé d’occuper une maison entière, d’entretenir plusieurs feux ; le cas se présente assez souvent dans la même commune et peut-être l’égalité véritable commanderait-elle que quatorze personnes reçussent davantage qu’une seule. L’affouage n’est plus gratuit en général, mais, autant que l’état de la caisse municipale le permet, la taxe exigée demeure inférieure à sa valeur réelle ; et puis, les habitans trouvent pendant l’hiver, dans les coupes délivrées, un travail sain, assuré, profitent ainsi d’une partie des frais d’exploitation et de façonnage.

Quant au bois lui-même, il se débite dans la coupe ou au dehors. En pays de montagne, où de nombreuses scieries sont mues par les cours d’eau, les sapins, les chênes sont transportés sur toute leur longueur, après avoir été lancés dans les glissoirs ouverts sur les pentes. Souvent aussi des scieurs de long débitent les arbres sur place ; c’est ainsi, par exemple, qu’on fabrique les traverses de chemin de fer en chêne ou en hêtre, le merrain, les étais de mine, les pieux de clôture, les échalas. La plus grande partie des produits se consomment sur place ou à peu de distance des lieux d’origine ; toutefois, les charbons, traverses, une certaine quantité de sciages, d’étais de mines, de merrains, vont à Paris, en Belgique, même en Algérie où la culture de la vigne entraîne une consommation croissante de tonneaux ; les écorces se vendent beaucoup en Allemagne et en Suisse. Le bois de chauffage se façonne dans la coupe, et les menus brins servent à confectionner fagots et bourrées ; les écorces s’y lèvent, et le charbon se cuit par les soins d’ouvriers spéciaux qui construisent leur hutte en plein bois, et vivent là-dedans avec femme, enfans, un chat, un chien et quelques poules pendant des mois entiers. L’industrie du bois