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LA CHIMIE DANS L’ANTIQUITÉ.

Ces connaissances sont présentées dans une série de traités techniques, parvenus jusqu’à nous. Je citerai d’abord un ouvrage arabe, écrit en lettres syriaques, contemporain des croisades, et que j’ai publié récemment. Il convient de le rapprocher de l’ouvrage de matière médicale d’Ibn-Beithar, en grande partie reproduit de Dioscoride, et que M. Leclerc a imprimé dans les collections de l’Académie des Inscriptions. — À côté de ces deux ouvrages, écrits en langue arabe, les seuls dont on ait donné des traductions modernes, il convient de citer les vieilles traductions latines manuscrites, faites vers le xiie siècle, des traités qui portent le nom de Rasès et le nom de Bubacar, ainsi que les alchimies attribuées à Avicenne et au pseudo Aristote, imprimées aux xvie et xviie siècles. Les textes originaux ne devaient pas être beaucoup plus anciens que le xiiie ; mais ils sont perdus ou inconnus. Heureusement, la grande similitude de ces traductions avec le traité arabe cité plus haut en atteste l’authenticité, et la comparaison des faits qui y sont contenus avec ceux relatés par Albert le Grand et par Vincent de Beauvais permet de retracer avec une exactitude suffisante le tableau des connaissances positives des Arabes en chimie, au temps des croisades, en même temps que celles des Latins, avec lesquels ils sont entrés alors en relation.

Entrons dans les détails. L’ouvrage arabe que j’ai cité tout à l’heure possède un caractère pratique, exempt des théories et déclamations des alchimistes doctrinaires. On y trouve, mis bout à bout, deux traités. L’un d’eux surtout est un véritable traité de chimie, décrivant avec méthode les substances et les opérations. Il débute par ces mots : « De la connaissance des corps métalliques, des esprits et des pierres… Sache qu’il y a sept corps métalliques, sept pierres et sept choses composées. Tout cela rentre dans la pratique de l’art. Les objets rouges sont bons pour le travail de l’or ; — les objets blancs pour le travail de l’argent. »

Suivent les sept métaux : or, argent, fer, cuivre, étain, plomb, mercure, et leurs noms multiples. Mais les signes alchimiques grecs ne figurent plus ici : ils disparaissent après les Syriens, peut-être à cause de l’horreur des musulmans pour la magie et les représentations figurées. Les signes alchimiques manquent également dans les manuscrits latins du xiiie siècle et ils ne reparaissent que vers la fin du xive, ou plutôt dans le cours du xve  ; sans doute, par suite de l’influence directe exercée alors de nouveau par les auteurs grecs.

Après les métaux viennent les esprits ou corps volatils, capables d’agir sur les métaux, au nombre de quatre à l’origine : mercure,