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LA CHIMIE DANS L’ANTIQUITÉ.

métaux des idées et des notions qui existaient seulement en germe chez les Grecs, et que les Arabes ont dégagées et systématisées. On y trouve même des poètes, comme dans tout ordre d’idées susceptible d’ouvrir de vastes horizons et d’exciter l’enthousiasme : il existe toute une littérature poétique d’alchimistes byzantins, arabes, latins, enivrés d’espérances chimériques.

Rappelons ici dans l’histoire scientifique que le mot « arabe » offre quelque chose d’illusoire ; en réalité, ce sont des auteurs syriens, persans et espagnols, qui ont employé la langue arabe, à la suite du grand mouvement qui suivit la conquête musulmane. Ce mouvement s’étendit à toutes les branches de la culture scientifique et philosophique ; mais il est trop étendu pour que je puisse même essayer de le résumer dans son ensemble ; l’étude seule de son développement en chimie représente déjà un travail considérable.

Je parlerai d’abord des personnes, c’est-à-dire des alchimistes arabes, puis de leurs ouvrages authentiques, de ceux de Geber en particulier, et je terminerai en examinant les connaissances positives des Arabes en chimie et les acquisitions que la science leur doit réellement.


I. — LES ALCHIMISTES ARABES : LEURS PERSONNES.

L’histoire personnelle des alchimistes arabes est retracée dans plusieurs encyclopédies écrites dans cette langue, spécialement dans le Kitab-al-Fihrist.

D’après les auteurs de ces compilations, le premier musulman qui ait écrit sur l’art alchimique fut Khaled-ben-Yezid-ibn-Moaouïa, prince Ommiade, de la noble tribu des Koréischites, mort en 708 ; ce fut un personnage considérable, qui prétendit au khalifat, mais dont les circonstances déçurent l’ambition et annihilèrent le rôle politique. Il se rejeta vers l’étude des sciences et devint l’un des promoteurs de la culture grecque en Syrie. Il compta parmi ses maîtres un moine syrien, nommé Marianos.

On attribue à Khaled et à Marianos divers ouvrages alchimiques ; mais ces attributions sont aussi incertaines que celles des ouvrages grecs supposés écrits par les empereurs Héraclius et Justinien II, qui ont vécu à la même époque. Les uns et les autres étaient protecteurs des savans de leur temps, et grands fauteurs de médecine, d’astrologie et d’alchimie. Aussi les contemporains ont-ils mis sous leur nom diverses œuvres relatives à ces matières, soit qu’elles aient été composées réellement avec leur patronage ; soit que les auteurs, restés anonymes, aient voulu se couvrir d’une