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certains esprits attentifs. Pendant qu’il parlait, la reine Marie de Médicis, qui avait désigné elle-même l’orateur, devait se féliciter de son choix : elle fixait sur lui des regards déjà chargés de satisfaction et de confiance.

Luçon s’étendit ensuite sur les privilèges du clergé, sur les abus commis dans la distribution des bénéfices, sur les commandes : il aborda aussi, selon qu’on le lui avait prescrit, la question des rapports avec les protestans. Mais il le fit avec une modération vraiment remarquable. C’est peut-être, de tout son discours, le point où se dessinaient le mieux ses aptitudes d’homme d’État. Il avait à se plaindre tout d’abord de certains actes violens commis par des huguenots : à Millau, en Rouergue, ils avaient envahi l’église et souillé les hosties. Après avoir déploré, dans des termes amers, cette profanation et demandé la punition des coupables, l’évêque ajoute : « Je ne parle, sire, que de ceux qui ont commis un acte si barbare ; car, pour les autres qui, aveuglés de l’erreur, vivent paisiblement sous votre autorité, nous ne pensons en eux que pour désirer leur conversion et l’avancer par nos exemples, nos instructions et nos prières, qui sont les armes par lesquelles nous les voulons combattre. »

Enfin, résumant son discours, il expose, avec une véritable éloquence, les bienfaits qui résulteraient, pour le royaume, d’une sage administration s’inspirant des maximes de l’évangile et de l’application des anciennes ordonnances. « Que si on en vient là, sire, toutes choses se feront avec poids et juste mesure. On verra le règne de la raison puissamment établi. La justice recouvrera l’intégrité qui lui est due ; les dictatures ne seront plus perpétuelles en des familles[1], ni les états héréditaires par cette invention pernicieuse du droit annuel ; la vénalité des offices, qui en rend l’administration vénale et que l’antiquité a remarquée pour signe de la décadence et chute des empires, sera abolie selon nos désirs ; les charges supernuméraires seront supprimées ; le mérite aura son prix et si la faveur a quelque cours, ce ne sera plus à son préjudice ; le mal recevant punition, le bien ne sera pas sans récompense ; les lettres et les arts fleuriront ; les finances, vrais nerfs de l’état, seront ménagées avec épargne, les dépenses retranchées, les pensions réduites, ainsi que nous le demandons, au terme où le grand Henri les avait établies… La religion fleurira de nouveau… L’Église reprendra son lustre, étant établie en son autorité… La noblesse rentrera en jouissance des prérogatives et des honneurs qu’elle s’est acquis par ses services.

  1. Allusion à la suppression de la paulette.