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comme sur une dernière chance d’arrangement. Il rédigea donc, en grande hâte, un autre article qui impliquait uniquement le renouvellement et la publication de la quinzième session du concile de Constance. Cette rédaction, présentée au tiers par un des lieutenans de Duperron, Dinet, évêque de Mâcon, fut rejetée.

L’effort oratoire du cardinal avait échoué. De part et d’autre, il fallait recourir à d’autres moyens. Le tiers avait déjà reçu un appui précieux ; c’était celui du parlement. Ce corps suivait alors l’impulsion de l’avocat-général Servin, gallican, ami de Nicher, ennemi personnel des jésuites. Dès le 31 décembre, il avait pris l’initiative de réunir la cour, toutes chambres assemblées ; il lui avait soumis l’article et, le 2 janvier, au moment même où Duperron parlait devant le tiers, le parlement rendait un arrêt confirmatif des doctrines formulées dans le texte.

Nouvel orage. Pouvait-on admettre cette ingérence d’une cour de justice dans les délibérations des États ? Il fut décidé qu’on dénoncerait au roi l’attitude du parlement et qu’on lui soumettrait toute la querelle de l’article. Il n’y avait plus dans le royaume qu’une seule autorité capable de trancher le différend, et c’était précisément celle dont le pouvoir était en cause.

Mais, avant d’agir, il fallait s’assurer encore du concours de la noblesse. Duperron ne voulait pas s’exposer lui-même. Il laissait agir ses lieutenans, et c’est ainsi que Richelieu, évêque de Luçon, fut envoyé, le 5 janvier, près de la chambre noble pour lui exposer l’état de la question et réclamer sa présence à l’audience qui devait avoir lieu au Louvre. Il réussit dans cette mission. La noblesse protesta de son zèle et, le même jour, Miron, évêque d’Angers, fut délégué pour présenter au roi les doléances et les plaintes du clergé. Il vint à la cour, accompagné d’un grand nombre d’ecclésiastiques témoignant de leur douleur par leur présence et attestant qu’il n’y avait plus d’autre recours que l’autorité du roi.

Miron parla avec véhémence : Arnauld d’Andilly dit « avec une insolence effroyable. » Il était heureux de saisir cette occasion de le prendre de haut avec la cour. Les passions étaient surexcitées. Les protestans ayant à leur tête Bouillon, les mécontens obéissant à Condé, soutenaient le tiers. D’ailleurs, le roi ne pouvait en vouloir à des gens qui, en somme, ne se donnaient tant de mal que pour défendre sa personne et l’autorité de sa couronne. Mais le clergé était là, désolé, suppliant. Duperron avait obtenu sous-main des engagemens. D’Épernon, les Guise, Concini, le confesseur Cotton, le nonce Ubaldini, poussaient la reine et les ministres. Une altercation très vive eut lieu en plein conseil. Condé dit au cardinal de Sourdis, président du clergé : « Vous avez la tête bien légère,