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et du public, et la conclusion en fut sans fruit. » Cependant, puisque cette assemblée vit les premiers pas du futur ministre de Louis XIII dans la carrière politique, puisqu’elle fut agitée par les derniers mouvemens du siècle qui venait de finir, puisqu’elle consacra, de son impuissance et de son adhésion, le triomphe facile de la royauté, nous indiquerons les faits qui, après trois siècles, nous paraissent avoir pu servir à l’éducation politique du jeune évêque de Luçon. Celui-ci joua d’ailleurs, au cours des délibérations, un rôle assez important pour que l’exposé des incidens auxquels il fut mêlé permette de rappeler, dans ses grandes lignes, l’histoire d’une assemblée qui n’a guère d’autre illustration que de l’avoir compté parmi ses membres.

Les États, on s’en souvient, avaient été convoqués à la demande du prince de Condé. Derrière ce prince s’était formée une coalition où se rencontraient, sans s’interroger mutuellement sur leurs origines ou sur leur but, toutes les ambitions impatientes, toutes les vanités froissées, toutes les cupidités inassouvies. Par un habile étalage de patriotisme et d’austérité, ce parti exploitait le dégoût qu’inspirait au pays la fortune des favoris italiens, Concini et sa bande. L’esprit frondeur d’un peuple qui aime à rendre ceux qui le dirigent responsables de ses propres faiblesses accablait le gouvernement de la régente des souvenirs écrasans laissés par le règne précédent. Une nuée de pamphlétaires, bourdonnant autour des plaies découvertes, les avait envenimées.

Cette meute avait pris pour chef un homme digne de la conduire à la curée : c’était Henri de Bourbon, prince de Condé. De naissance douteuse, il se posait en héritier légitime du trône ; de courage incertain, il se croyait fait pour commander les armées ; de facultés médiocres, il prétendait gouverner l’État. Dans sa personne et dans sa situation, tout était faux : prince du sang, il essayait de ravaler la couronne pour la mettre à la hauteur de sa tête ; fils de protestant, il était catholique et même ami des jésuites ; pourtant il tendait la main aux huguenots. Au début du règne de Louis XIII, il ne songeait à rien moins qu’à reprendre le rôle de la famille de Guise, — moins Calais et Metz. À la fin du même règne, il devait être le plat serviteur non-seulement du roi, mais de ses ministres et de ses favoris. Hésitant toujours sur sa propre conduite et ne sachant s’il devait se faire craindre ou se faire aimer, il ne parvint guère qu’à se faire mépriser. D’un bout de sa carrière à l’autre, il n’eut qu’une passion, l’avarice. Il exploita la faiblesse de Marie de Médicis, escompta la libéralité de Richelieu, dépouilla l’agonie de son beau-frère Montmorency, pour constituer enfin une des fortunes les plus considérables qu’ait connues l’ancien régime. Il