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terrasser. Il en résulte que le cerveau de l’homme, devenu plus gros et plus fort, nourri par un organisme plus robuste lui-même, est aussi plus capable de fournir aux frais nerveux et musculaires de l’attention. L’attention, en effet, ce grand ressort de l’intelligence, met en jeu les muscles même, comme les physiologistes l’ont démontré. Une attention intense et soutenue exige donc un cerveau actif et dépensier : c’est une fonction désintégrative. S’il y avait un dynamomètre pour mesurer l’intensité et la durée de l’effort intellectuel, le sexe masculin, en moyenne, amènerait des chiffres plus élevés et pourrait réaliser, au moral comme au physique, une plus notable quantité de force maxima. Or, un grand effort sur un point pourra entraîner plus de pénétration scientifique, tout comme un bras puissant enfoncera plus avant une épée. En d’autres termes, toute la partie dynamique et motrice de l’intelligence, tout ce qui en elle est allaire de quantité doit dominer dans le sexe masculin, où l’énergie est plus considérable et, en même temps, plus portée à se dépenser. Au contraire, tout ce qui exige adresse, délicatesse, finesse, tact, tout ce qui est, pour ainsi dire, sentiment intellectuel, tout ce qui dérive d’une sensibilité plus impressionnable et plus spontanée est particulièrement à la portée de la femme, du moins lorsque le sentiment ne va pas chez elle jusqu’à la passion, ou que sa passion a pour objet des idées désintéressées, surtout de l’ordre moral.

La femme est plus apte aux idées particulières qu’à la généralisation et à l’abstraction. Sa curiosité s’adresse surtout aux faits et aux détails. C’est que les objets particuliers sont des intégrations visibles, offrant la synthèse immédiate de ce que l’analyse scientifique décompose. Une intelligence où l’intégration domine, et qui est plutôt sensitive qu’active, sera donc en naturelle harmonie avec ce qui est individuel. L’homme a l’esprit plus déductif, la femme, plus intuitif. L’intuition, c’est l’œil ouvert qui voit immédiatement un ensemble, et sans effort. Chez l’homme domine l’analyse réfléchie, qui aboutit peu à peu à la différenciation ; chez la femme, c’est la synthèse spontanée et l’intégration. La femme la plus habile dans son art ou dans son métier saura vous montrer comme elle fait, plus rarement le démontrer ou même le décrire. L’analyse scientifique, sans être le moins du monde impossible pour les femmes, n’est point leur vocation naturelle. Leurs associations d’idées se font plutôt dans l’espace, où l’esprit embrasse des objets simultanés, que dans le temps, où s’enchaînent des séries successives ; dans le temps même, leurs idées se lient plutôt par contiguïté que par causalité, la contiguïté étant encore l’objet d’une synthèse intuitive et imaginative, la causalité, d’une analyse discursive et rationnelle. Enfin, en fait de causes et d’effets, de