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ont pas moins poursuivi leurs travaux conformément aux vieilles règles inscrites dans des réceptaires et cahiers de formules, d’après les vieux auteurs grecs et latins et leurs abréviateurs.

C’est là précisément ce qui est arrivé pour la chimie : un certain nombre de ces registres d’ateliers nous sont parvenus. Nous en possédons quelques-uns en langues grecque, syriaque et même latine ; j’ai publié moi-même plusieurs de ces traités techniques, jusque-là manuscrits et ignorés, en les accompagnant de commentaires spéciaux. Jusqu’ici cet ordre de renseignemens était demeuré à peu près inconnu des historiens de la chimie, et c’est l’ignorance de leur existence qui a surtout concouru à entretenir les opinions régnantes sur le rôle prépondérant des Arabes dans la transmission de la science antique. En réalité, une portion de celle-ci s’était conservée directement dans les traditions de l’Occident.

Essayons de préciser les idées à cet égard, en commençant par les Grecs. Nous lisons les lignes suivantes, copiées peu après l’an 1000, dans un manuscrit conservé dans la Bibliothèque de Saint-Marc, à Venise, et qui reproduit des traités plus anciens : « Livre métallique et chimique sur le travail de l’or et de l’argent, la fixation du mercure. Ce livre traite des vapeurs (distillation), des teintures métalliques et des moulages avec le bronze, ainsi que des teintures des pierres vertes (émeraudes), des grenats et autres pierres de toute couleur et des perles ; et des colorations en garance (pourpre végétale) des étoffes de peau destinées à l’empereur. Toutes ces choses sont produites avec les eaux salées et les œufs (philosophiques, appareils de digestion), au moyen de l’art des minéraux. » Ce titre représente un traité écrit vers le viiie et le xe siècle, pour résumer les traditions techniques. C’est celui d’un véritable manuel de chimie byzantin, embrassant l’orfèvrerie et les alliages métalliques, la distillation, la coloration des verres et pierres précieuses artificielles, le travail des perles et la teinture des étoffes : quelque chose comme un traité de chimie industrielle contemporain. À chacun de ces sujets répondent des articles spéciaux, souvent très développés, dans la collection des alchimistes grecs. Ce n’est pas ici le lieu de les exposer en détail : je dirai seulement que ces articles représentent les travaux qui font suite aux alchimistes alexandrins, tels que le pseudo Démocrite, Zosime, Jamblique, le pseudo Moïse et autres écrivains des premiers siècles de notre ère ; lesquels se rattachaient eux-mêmes à des traditions plus anciennes, de l’ordre de celles du Papyrus égyptien qui existe à Leyde, de celles du « Livre du Sanctuaire du Temple, » et des « procédés gravés sur les stèles, » en caractères symboliques, dans l’ombre des édifices sacrés, dont parle Olympiodore.