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L’homme qui poursuit un but a parfois besoin, pour l’aider à surmonter les difficultés, d’une légère impulsion. Chacun de nous a son génie, qui lui fait reprendre la tâche au moment où il était prêt à l’abandonner. Comment cette traduction, qui avait commencé à voir le jour en Angleterre, nous est-elle revenue ? Deux mots mis par M. Darmesteter en tête du premier volume nous le laissent entrevoir : — « À Mary Darmesteter, cette traduction française de l’Avesta, commencée en 1877, reprise sur sa prière en 1888, est dédiée par son mari reconnaissant, le 27 février 1892. » — Ainsi, la cause qui avait éloigné de nous momentanément M. Darmesteter nous a rendu son œuvre achevée. Grâce à lui, nous possédons enfin en français une traduction complète des livres sacrés de l’Iran.

Il est peu d’études plus ardues, pour la forme comme pour le fond des idées, que ces vieux livres qui renferment tout ce qui nous reste de la religion de Zoroastre et qu’on désigne FOUS le nom de Zend-Avesta. Les difficultés de toute sorte que présentent l’étude de la langue et l’intelligence de ces textes sacrés sont encore augmentées par l’état fragmentaire dans lequel ils nous sont parvenus.

On se figure volontiers l’Avesta comme un recueil de traités philosophiques, de maximes religieuses et de lois, entremêlés d’histoire et de légendes. Peut-être, à l’origine, présentait-il quelque chose de ce mélange qu’on retrouve dans presque tous les livres sacrés de l’antiquité. Actuellement, il s’offre à nous sous un aspect bien différent. Dans les révolutions successives dont la Perse a été le théâtre, la plus grande partie des livres qui le composaient se sont perdus, et il n’en est resté que, ceux qui servaient au culte, et qu’un usage quotidien a préservés de la destruction. Il est arrivé pour l’Avesta, suivant l’expression de M. Darmesteter, ce qui serait arrivé pour la Bible, si de toute la Bible il ne restait que les livres qui ont été incorporés dans le Paroissien.

Il faut faire une exception pour l’un des livres les plus importans de l’Avesta, le Vendidad, sorte de Thora, que l’on récitait d’un bout à l’autre à l’office principal, et que cette circonstance a préservé de la destruction. Nous possédons en entier les vingt-deux chapitres ou Fargards dont il se compose. Le Vendidad s’ouvre par une énumération des contrées iraniennes créées par Ahura-Mazda, et des fléaux qu’Ahriman oppose à la création de chacune d’elles. La première de ces contrées fut l’Airyanem Vaêjô, le berceau des Iraniens et de l’Humanité, ce « paradis noir, » qui est gâté par deux ennemis : le serpent et l’hiver, créations d’Ahriman. — « À l’acte créateur d’Ormazd, nous dit l’Avesta, Angra-Mainyu, plein de mort, répondit en créant ce fléau : le serpent de rivière, et l’hiver, créé des Daêvas. »