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supplémentaires pour le paiement des coupons de leurs obligations. Que l’agio s’élève encore de quelques points de l’autre côté des Pyrénées, et la question d’une interruption du service de sa dette s’imposera à la compagnie du Nord de l’Espagne. Des incidens comme ceux de Saint-Sébastien peuvent n’être qu’accidentels ; M. Sagasta aura raison d’une effervescence populaire, mais M. Gamazo ne parviendra pas aussi aisément à dompter le soulèvement du change ; et pourtant il y va du crédit de l’Espagne. Si le programme de réformes et d’économies du ministre des finances ne peut être appliqué, le royaume va à la faillite.

En Italie, la crise revêt un aspect singulier. Toute monnaie métallique a disparu du pays, or, argent et bronze. Nous sommes inondés, en France, de pièces italiennes de 2 et 1 francs ; en Suisse, c’est pis encore. Au-delà des Alpes, plus rien que des chiffons de papier valant nominalement de 1 à 100 francs ; même les pièces de deux sous en cuivre font prime et sont exportées par la spéculation. Le gouvernement fait frapper de ces pièces pour 10 millions de francs et émet des billets de 1 franc. Il ne peut ainsi que parer aux plus grossiers des effets matériels de la crise. La réalité est que les forces contributives de la population ont été soumises à un effort qui les a épuisées, l’impôt a un rendement plus faible, une détestable politique commerciale a supprimé les bienfaits éventuels d’une balance active ; la chimère de la triple alliance interdit toute réduction notable des dépenses de guerre. Le problème paraît donc insoluble. Le gouvernement devra laisser se multiplier les émissions de papier, le change s’élèvera. En quelques mois, il a passé de 4 à 11 pour 100, et dans le même temps la rente italienne a baissé de 92 à 85 francs (ex-coupon de 2.17).

À Berlin se trouve le marché principal du rouble crédit, dont les fluctuations déterminent les cours de l’emprunt d’Orient, rente-papier de la Russie en 5 pour 100, qui oscille depuis quinze jours entre 66.85 et 67.60. Les fonds or, 4 et 3 pour 100, russes sont peu affectés par les cours du rouble, parce que la confiance dans la solvabilité de la Russie est absolue en France, et que l’on est assuré qu’ayant promis de payer en or, elle paiera toujours en or, quoi qu’il arrive.

En Hongrie, la prime de 4 à 5 pour 100 que fait en ce moment l’or sur le papier, en d’autres termes, la double couronne or sur le florin papier, est due exclusivement à des causes passagères, notamment au fait que les capitalistes allemands ont été, depuis plusieurs mois, contraints par les conditions économiques à vendre une grande partie des titres austro-hongrois que détenaient leurs portefeuilles, et à les renvoyer sur le marché de Vienne, qui n’a pu les absorber qu’au moyen d’une forte exportation d’or pour l’acquittement de ces achats. La situation économique de la monarchie reste d’ailleurs saine et favorable. Les fonds qu’elle a dû envoyer à Berlin en paiement des titres nationaux