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replantant les cayeux ou des boutures de la tige défleurie. Les feuilles elles-mêmes en produisent quand on les détache du pied ; chaque cayeu fournit de deux à six nouveaux bulbes, dont le tiers environ peut être vendu à la fin de la seconde année. Le marché du lis des Bermudes s’étendant de jour en jour, cette culture absorbera bientôt les 485 hectares de terre plus particulièrement appropriés à sa reproduction, que possède ce petit archipel, car il n’a rien à redouter de la concurrence des lis de Chine et du Japon qui ne peuvent arriver en Europe et en Amérique que vers le mois de novembre, et qui donnent d’ailleurs des fleurs moins nombreuses, moins belles et moins parfumées[1]. »

L’impulsion donnée aux plantations de lis s’est étendue aux vergers, où les fruits d’Europe prospèrent à côté des fruits tropicaux, et à sa culture vivrière. Primeurs, fleurs et fruits trouvaient aux États-Unis un marché rémunérateur ; les acheteurs visitaient les Bermudes, et leurs récits y attiraient les valétudinaires. Hamilton, capitale de l’Archipel, jolie ville, au doux climat, aux chalets de cèdre entourés de champs de fleurs où voltigent le cardinal d’un rouge éclatant et l’oiseau bleu des contes de fées, devenait une station hivernale, populaire et peu dispendieuse. Deux grands hôtels : The Princess et The Hamilton, s’y fondaient, construits par des capitaux américains et fréquentés par des touristes américains, Ouverts de décembre à mai, ils sont toujours pleins et, nonobstant leur prix modéré de dix francs par jour, tout compris, ils enrichissent leurs intelligens propriétaires.


III

Au sud-ouest des Bermudes, et à trois jours de mer, apparaissent les Bahama, terres de calcaire que recouvre une couche d’humus si légère, que l’on peut croire que le sol fait défaut et que la roche le remplace. Elle en tient lieu, en effet, et cette roche superficielle que les nègres détachent avec des leviers, qu’ils brisent à coups de pic et qu’ils pulvérisent, donne un sol végétal d’une étonnante fécondité. « La Nouvelle-Providence,, écrit M. Drysdale, n’est qu’un amas de roches, mais ces roches sont friables ; arbres et végétaux y croissent ainsi qu’en pleine terre. Dans toute l’île, pas une surface nue ; ici poussent les pins et le cèdre, là des masses compactes de brousses. Veut-on créer un jardin ? On brûle la végétation parasite, on disjoint la

  1. Voir aussi Revue des Sciences naturelles appliquées, n° du 20 juillet 1890.