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centre de ce commerce, qui a Punta-Delgada pour port et pour régulateur des prix. Ces prix farient, donnant lieu parfois à des écarts considérables. Il y a peu d’années, on vendait, à Punta-Delgada, les oranges au prix de 25 francs le mille, Irais de cueillette, d’emballage et de transport à la charge de l’acheteur ; en 1840, elles ne valaient que 9 francs. San-Miguel n’expédiait alors que 60,000 à 80,000 caisses annuellement, 175,000 en 1850, 600,000 aujourd’hui.

Plus à l’ouest, les Bermudes. Bien que situé encore en plein océan, entre la mer de Sargasse et le gulf-stream, cet archipel anglais se relie aux Bahama et aux terres antiliennes par le socle sous-marin qui le porte. Cent cinquante îles ou îlots composent ce groupe, dont la population n’excède pas 20,000 âmes et dont le climat est, après celui de certaines îles océaniennes, l’un des meilleurs qui soient, l’un de ceux où l’alternance des saisons est le mieux équilibrée. Les oscillations de la température se maintiennent entre 16 et 31 degrés ; la moyenne, supérieure à celle de Madère, est de 21 degrés.

Cet archipel, relevé l’un des premiers sur la grande route océanique d’Europe en Amérique, fut longtemps l’un des moins connus et des moins visités. Mieux que la population qui l’habitait, les bri-sans qui l’entourent en défendaient l’accès. Seuls, les indigènes en connaissaient les passes. Aujourd’hui, des centaines de bouées tracent au navigateur une route sûre à travers ce dédale d’écueils ; mais si, demain, ces bouées étaient enlevées, la côte deviendrait absolument inabordable, ainsi que le port de Hamilton, détendu par les Étroits de Saint-George et les fantastiques récifs qui s’allongent capricieusement jusqu’à 15 kilomètres au large.

Ici, le voisinage du tropique du Cancer et la proximité du Nouveau-Monde ne s’annoncent pas seulement par le changement de couleur des eaux, par les flots bleus et tièdes du gulf-stream succédant aux ondes vertes de l’Océan. Depuis plusieurs années, à ce premier caractère physique est venu s’en joindre un second, très sensible surtout de janvier en mai : le parfum que la brise emporte au large et que dégagent les fleurs d’une liliacée, le lis des Bermudes, dont les vastes cultures ont totalement modifié l’aspect de ce groupe d’îles.

L’extension de cette culture date d’il y a peu de temps ; elle est due au général Russel Hastings. Le lis des Bermudes, lilium longiflorum eximium, est d’origine japonaise ; les Asiatiques l’apprécient fort et il figurait en belle place, peint de main de maître par un artiste de Kioto, sur une pièce de soie que le mikado fit tenir, en 1867, à l’auteur de ces lignes, et sur laquelle les plantes les