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l’habile direction de M. Johnston. Elle se fait au chalut et occupe cinq bateaux à vapeur. Le service est remarquablement organisé et se continue avec l’unique interruption de la journée du dimanche que toute la flottille passe à Arcachon. Le mode de roulement est le suivant. Un navire rentre à Arcachon, il débarque le poisson apporté aussitôt à terre dans des pinasses, chargé sur des wagonnets et amené à la halle au poisson d’où il est expédié par chemin de fer dans tout le sud-ouest de la France, car il est évident que la consommation locale serait insuffisante à entretenir cette industrie. Le vapeur se rend auprès d’un vieux bâtiment mouillé en rade et servant de dépôt de charbon et, pendant qu’il remplit de combustible ses soutes, le bateau citerne accoste de l’autre bord et, par ses pompes, envoie la provision d’eau douce. Les diverses opérations, s’exécutant ensemble, sont vite terminées. Le vapeur ravitaillé repart immédiatement. Il s’éloigne, franchit les passes et jette son chalut dès qu’il est arrivé sur les lieux de pêche. Le lendemain, la flottille rallie au large ; le poisson péché par tous les bateaux est transbordé sur celui qui doit revenir au port, puis chacun se disperse pour continuer la pêche sans que le service soit jamais interrompu. Chaque bateau demeure quatre jours en mer et cependant le poisson est toujours frais, car il est rapporté chaque jour à terre.

Cette pêche n’est pas exempte de périls. La passe d’Arcachon est extrêmement dangereuse : en 1892, un des vapeurs de la société, l’Albatros, s’y est perdu corps et biens. Il faut encore prendre en considération ce qu’on nomme les hasards, en oubliant que ce mot n’est trop souvent que l’expression de l’ignorance humaine. Citons un exemple : à de certaines époques, dans des circonstances inconnues, le fond de la mer est rempli de méduses, la marmouille des pêcheurs. Le chalut, alourdi par l’énorme masse gélatineuse, devient si pesant que la fune servant à le traîner casse ou que le filet lui-même se déchire. Il en résulte une perte s’élevant, dit-on, à plusieurs milliers de francs par an. Or, à la surface de l’eau, rien ne signale la présence des méduses dans les profondeurs. On envoie le chalut, on essaie de le remonter, il se brise, on interrompt la pêche, on fait une nouvelle tentative le lendemain avec chance d’un nouvel accident, ou bien l’on attend la fin du phénomène signalé par l’apparition des méduses à la surface. Il est fort probable qu’une étude attentive permettrait de savoir pourquoi il s’est produit. Peut-être est-il dû à la distribution de la température au sein des eaux ou plutôt à ce que la densité est plus grande à la surface que dans les profondeurs, celle-ci étant précisément égale à celle des méduses. Tous ces chiffres sont aisés à connaître. Quelle que soit la cause, il est certain que le phénomène biologique, la