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l’un de l’autre : l’affaissement qui tend à l’abaisser et le comblement qui tend à la relever.

La réputation des huîtres des côtes sud-ouest de la France date de l’époque gallo-romaine. La race gauloise naissant à la civilisation, recevant de Rome déjà vieille le raffinement des mœurs, l’affinant encore, l’exagérant jusqu’à l’extrême avec l’enthousiasme d’élèves toujours prêts à forcer l’enseignement de leurs maîtres, était faite pour apprécier cette nourriture exquise, toute de délicatesse, quelque peu analogue parmi les choses de la gueule, comme aurait dit Rabelais, aux vers recherchés et précieux d’Ausone ou de Fortunat parmi les choses de l’esprit, au goût relevé cependant par une saveur fraîche et salée qui permet d’en prolonger la jouissance sans danger d’en être affadi ni crainte des labeurs d’une digestion plus facile pour les huîtres que pour les poésies. Arcachon possède aujourd’hui la même réputation et la posséderait davantage, au meilleur profit de ses habitans, si l’étude des procédés d’ostréiculture était pratiquée plus rationnellement et d’une manière régulière. Il n’est guère, en effet, d’endroit au monde que la nature ait mieux préparé pour cette industrie. Ces vastes étendues, à l’abri des tempêtes, recouvertes d’une faible quantité d’eau se renouvelant à chaque marée et légèrement adoucie par les apports d’eau douce, sont éminemment favorables à la culture de l’huître. C’est pourquoi Arcachon n’a que deux sortes d’habitans : les étrangers venus pour y soigner leur santé, se reposer ou se distraire, et la population de pêcheurs et d’ostréiculteurs qui vit de la mer.

Le proverbe ou dicton qui prétend que les habitans d’une province de France et, soit dit en passant, l’une des plus pittoresques, celle des vieux Arvernes, les compagnons de Vercingétorix, les sobres et courageux travailleurs du Cantal et du Puy-de-Dôme, ne sont ni hommes ni femmes, aurait une contre-partie s’appliquant aux gens d’Arcachon. Les ouvriers cultivateurs d’huîtres, les parqueurs, ainsi qu’on les nomme, sont tous hommes, du moins à distance, car tous portent la culotte. L’effet est bizarre et ne laisse pas d’étonner quand on n’y est point habitué. Le nouveau-venu dans le pays, apercevant une troupe de parqueurs marchant dans le même sens que lui, ne voit que des culottes en gros molleton rouge et, par conséquent, rien que des hommes. Mais parmi eux, il y a presque toujours deux catégories, celle des hommes à béret qui sont de vrais hommes et celle des hommes à capeline qui ne sont pas de vrais hommes. Si en effet, la troupe fait volte-face, ces derniers se transforment aussitôt en femmes, grâce à l’apparition d’un tablier qui joue alors la jupe. En résumé, les parqueuses en