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il y a quelques années, les cabanes furent détruites, tous les lapins qui y pullulaient, et dont la chasse était un divertissement très apprécié, furent noyés, et, ce qui est plus grave, plusieurs personnes perdirent aussi la vie.

Cette configuration spéciale explique les phénomènes de courans et d’érosion qui ont lieu sur les bords du bassin.

Examinons ce qui se passe au moment du flux. La mer monte dans l’Océan, et comme son volume est infini, le niveau s’élève régulièrement et continue son mouvement d’ascension pendant six heures. Au début, le bassin est vide ou à peu près ; l’eau du dehors s’engouffre donc à travers les passes, remonte, arrive devant le banc de Matoc, entre la dune de la Grave et le cap Ferret et se déverse dans le bassin. Elle doit évidemment commencer par remplir les chenaux et les esteys ; il suffit pour cela d’une quantité de liquide relativement faible, et, en effet, le courant mesuré devant Arcachon, par exemple, est d’abord assez lent. Bientôt, cependant, comme d’une part, la mer monte dans l’Océan d’une manière continue, tandis que, dans le bassin, une légère différence de hauteur correspond à une énorme différence de volume, la quantité d’eau franchissant les passes pour remplir le bassin s’accroît considérablement et le courant augmente de vitesse dans une incroyable proportion, pour s’abaisser non moins rapidement dès que, la haute mer étant étale au dehors, la différence de niveau s’atténue entre le bassin presque rempli et l’Océan. Au moment de l’étale dans le bassin, le courant devient nul, il augmente ensuite de vitesse en jusant, atteint un maximum, décroît jusqu’à zéro à peu près à l’instant de l’étale de basse mer, et recommence à éprouver les mêmes alternatives à la marée suivante. Les variations de volume du bassin à ses divers niveaux sont, par conséquent, fidèlement enregistrées par les variations de vitesse du courant.

Si l’on a bien suivi cette description des phénomènes, on voit que le canal, mettant en communication le bassin avec l’Océan, est le lit d’un immense fleuve qui change quatre fois par jour le sens de son courant. Il coule dans des directions diamétralement opposées, tantôt de l’Océan vers le bassin et immédiatement après, en jusant, du bassin vers l’Océan. Chaque fois que, dans le sens de son courant, le fleuve rencontre une partie concave, sa vitesse s’accroît et il érode sa rive faite de sable meuble qu’il enlève et va déposer dans les portions convexes. Il se produit de terribles érosions dans les parties une fois concaves, à l’aller ou au retour, comme à Arcachon même, du côté du débarcadère et plus loin vers l’Ouest, où la plage est heurtée presque perpendiculairement par l’eau débouchant, en jusant, du chenal de Cousse, et de plus terribles