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nuée de grands oiseaux, s’espacent sur la mer, fendent l’eau de leur étrave, contournent le but et reviennent rallier le stationnaire qui Salue par la détonation d’un pétard le passage du vainqueur.

Le bassin d’Arcachon est un vaste réservoir en communication avec la mer par un canal de profondeur variable, long d’une dizaine de kilomètres, large de 3 kilomètres environ et ayant une direction générale du nord au sud. Il est si peu profond qu’à marée basse, surtout aux époques des fortes marées, les neuf dixièmes au moins de sa surface sont occupés par des nappes grisâtres ou brunâtres, de consistance molle, faites de vases déposées ou d’argile, couvertes d’une mousse, le moussillon, à laquelle l’eau salée communique la patine verdâtre des bronzes antiques. Des bandes de canards sauvages s’y abattent en hiver, dévorent avec avidité cette végétation jusqu’à la racine et laissent ainsi de grandes places nues sur ces prairies marines. On les nomme des crassats. Ils sont coupés par des chenaux sinueux qu’on comparerait à des fossés s’ils étaient moins considérables. Ceux-ci serpentent au milieu des bancs de vase et conservent toujours de l’eau courante, quoique leur profondeur soit assez faible, puisque la cote minima est située dans la rade d’Eyrac, par 20 mètres au-dessus des plus basses eaux, à la rencontre des chenaux de Gousse, du Teichan et de Gujan. Sur l’île aux Oiseaux et dans son voisinage, les chenaux plus petits sont des esteys. Sauf la dimension, il n’existe aucune différence essentielle entre les chenaux et les esteys ; les uns et les autres jouent le rôle de canaux d’écoulement.

Il résulte de cette disposition topographique que le bassin est un vaste, récipient dont le volume varie très irrégulièrement aux divers niveaux. Vers le fond, sa capacité est faible ; elle augmente ensuite lentement, puis tout d’un coup, aussitôt que le niveau moyen des chenaux est atteint, elle augmente brusquement. Si, par un effort d’imagination, on le supposait complètement asséché et s’il s’agissait de le remplir, on constaterait que, pour fournir une tranche d’eau épaisse de 1 mètre entre 20 mètres et 19 mètres, il suffirait de peu de liquide et de même pour chaque mètre, jusqu’à la cote zéro, niveau des plus basses marées. Mais entre ce zéro et 1 mètre, à cause de l’énorme superficie à recouvrir, il en faudrait au contraire une quantité considérable, et davantage encore entre 1 mètre et 2 mètres, altitude maxima de l’île aux Oiseaux. Celle-ci ne couvre que dans les circonstances exceptionnelles, fort heureusement, à cause des huttes de pêcheurs qui y sont construites. Les habitans gardent un douloureux souvenir des désastres occasionnés par certaines tempêtes de vent d’ouest coïncidant avec de fortes marées d’équinoxe. L’île fut submergée presque entièrement,