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tagne où elles ne paissent que des herbes courtes, diminuent aussitôt qu’on essaie de les acclimater dans le pays plat. Les haras sont une autre source de rapport : plusieurs centaines d’étalons fournis par le roi à des particuliers qui doivent les entretenir, 9,175 cavales approuvées par la direction, leurs poulains fort recherchés par les marchands de Champagne, du duché et du Berry ; pas d’année qu’on n’enlève 1,500 cavales pour l’artillerie. Au moment où finit le XVIIe siècle, Besançon compte 11,520 habitans ; Dôle 4,115 ; Salins 5,663 ; Gray 3,982 ; Vesoul 2,225 ; Baume 990 ; Poligny 3,320 ; Lons-le-Saulnier 1,922 ; Arbois 3,540 ; Ornans 1,632 ; Orgelet 532 ; Saint-Claude 1,745 ; Montbéliard 2,540 ; toute la province renferme 340,720 personnes, plus 4,000 prêtres et religieux ; en 1789, on atteindra le chiffre de 669,800. La grande majorité des travailleurs se renferme dans des occupations agricoles ; il n’en va plus de même depuis que la liberté économique a permis d’exporter les produits industriels, de recevoir en échange les denrées alimentaires. Qu’on en juge par cette statistique du département du Doubs : agriculture 121,130 ; industrie 100,139 ; commerce 29,611 ; transports 6,707 ; force publique 8,895 ; professions libérales 13,149 ; rentiers 12,046 ; administrations 12,016 ; sans profession 3,559 ; profession inconnue 100 ; total : 302,017 habitans. En 1775, Audincourt avait 363 habitans, 683 en 1794, le mouvement industriel l’a amené à plus de 5,000 ; Valentigney en a 294 en 1709, 485 en 1794, actuellement 2,300.

Des mémoires manuscrits, des livres de famille, rédigés au siècle dernier par un prêtre et deux cultivateurs des environs de Pontarlier, font passer sous nos yeux quelques tableaux de la vie rurale[1]. À ne considérer que ceux-là, nous entrons dans une sorte d’Eldorado, mais eux-mêmes prennent soin de constater que plus d’un se met dans les dettes par défaut d’ordre, amour du luxe, ou parce qu’il aime trop à lever le coude. Le père exerce une espèce d’autorité patriarcale ; les formules de salut ont un caractère religieux ; le soir on se dit : Bons vêpres, et quand un enfant éternue, la mère repart : Que Dieu te croisse pour le ciel ! Pendant les longues soirées d’hiver, la famille, réunie autour d’une grande table, écoute la lecture de quelque livre de piété : l’Instruction pour les jeunes gens, les Pensées sur les vérités de la religion, la Bible de Royaumont ; les femmes filent la laine, le chanvre ou le lin ; parfois les hommes s’exercent au plain-chant, ou bien ils jouent au damier, au polonais, au piquet, jeu difficile ; il arrive même qu’on lise une

  1. Académie de Besançon, année 1887, Paysans franc-comtois des environs de Pontarlier, par M. le chanoine Suchet. — Tissot, Étude sur les Fourgs.