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nouveau sujet le baptême du diable, non sans lui avoir raclé le front avec son ongle pour enlever toute trace du chrême. Le magistrat intègre n’a rien à redouter de l’un et des autres, à condition toutefois qu’il évite de se laisser toucher à mains et bras nus par le sorcier : ainsi le veut Dieu pour que sa justice suive son cours.

Ce qui se passait aux sabbats comtois, à ces sabbats où l’on va sur une ramasse (balai), et qui devaient être singulièrement fréquentés, puisque notre province, une vraie province de diablerie, ne comptait pas moins de 30,000 sorciers, Boguet vous le dira de même avec la plus extrême précision. Contentons-nous de résumer, d’après lui, l’aventure de Rollande du Vernois, dénoncée par un sorcier et une sorcière, et enfermée dans une prison si froide qu’elle consent à tout révéler si on la laisse se chauffer.

« On lui demanda ce qui se faisait au sabbat, mais elle demeura muette sur ce point, sans pouvoir répondre autre chose, sinon qu’elle était empêchée de dire la vérité par le malin esprit qui la possédait et lequel elle sentait comme un gros morceau dans l’estomac, montrant avec la main le lieu où le mal la tenait. Elle tomba encore à terre et commença à japper comme un chien contre le juge, roulant les yeux dans la tête avec un regard affreux et épouvantable, d’où l’on conjectura qu’elle était possédée. Ce qui fut mieux reconnu par deux prêtres que l’on fit venir vers elle, auxquels elle déclara avec grand’peine qu’il y avait environ demi-an qu’elle n’avait été au sabbat ; qu’elle y avait été menée un jeudi soir par Gros-Jacques ; que le diable y était sous la forme d’un gros chat noir ; que tous ceux qui étaient au sabbat allaient baiser ce gros chat noir au derrière. Sur ce, le malin esprit la tourmenta plus fort qu’auparavant ; il ne la laissa que le matin. Alors elle confessa qu’étant au sabbat elle s’était baillée au diable ; qu’elle avait au préalable renoncé Dieu, chrême et baptême ; que Satan l’avait connue charnellement par deux fois à Croya. Elle n’eut pas plus tôt fait cette réponse, que le malin esprit renouvela ses assauts et lui ferma la bouche. Le lendemain elle confessa de nouveau qu’elle avait assisté avec ceux qui avaient fait la grêle au sabbat, mais qu’elle ne s’était aidée à en faire ; que Gros-Jacques lui avait baillé les démons dont elle était possédée, et que ces démons étaient dans une pomme qu’il lui fit manger… Le prêtre donc, s’étant préparé, donna au préalable à la possédée la Vierge Marie pour avocate, lui mit l’étole au cou, et puis passa aux exorcismes. Il conjure en premier lieu le démon de lui dire son nom. Le démon se montre alors difficile à répondre ; toutefois, comme il fut pressé, il dit qu’il s’appelait Chat… C’est alors que le combat commença grand entre