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garde son auditoire contre les pièges qui l’entouraient. « Évitez, s’écria-t-il en terminant, les faits répréhensibles connus sous le nom de bribery, car vous savez que la corruption de l’électeur est interdite ; — De treating, car un verre d’ale offert mal à propos nous causerait le plus grave préjudice ; — de undue influence car les menaces sont sévèrement défendues ; — de personation, car nul n’a le droit de voter pour un absent ou pour un mort, ou de voter deux fois dans la même élection. Ne payez, ni ne vous engagez à payer des voitures pour transporter les électeurs au bureau de vote. Élisez maintenant les membres du comité directeur ; à leur tour, ceux-ci désigneront leur président, vice-président et secrétaire. » Puis, toujours ferré sur le code, il annonça que la législation lui donnait le droit d’organiser autant de committee rooms de district que la circonscription comptait de lois cinq cents inscrits. Il put ainsi en créer neuf dont il arrêta la composition avec soin ; et ce furent encore des entretiens familiers où il s’expliqua de nouveau sur les pratiques condamnées par la loi.

Cook, répétons-le, aurait pu agir en dehors de tout club local, mais il était, ne l’oublions pas, à peu près sûr que Richard ne passerait pas ; dès lors, il y avait un effort honorable à accomplir pour conquérir à son maître le plus grand nombre de voix. D’ailleurs, au cas où le commerçant aurait battu sir Francis, il ne craignait pas que l’élection courût le risque d’être invalidée, tant il se mouvait avec aisance dans le dédale des lois britanniques. Constatons-le en passant, les mœurs électorales de la Grande-Bretagne sont en progrès si sérieux sur les vieilles et ignobles pratiques d’il y a cent ans, qu’elles paraissent aujourd’hui presque irréprochables. Le ballot act, le corrupt and illégal practices prevention act ont singulièrement purifié l’atmosphère jadis si trouble et empoisonnée. L’obligation qui s’impose à l’agent du candidat, heureux ou non, de rendre compte de ses dépenses au returning officer dans un délai de trente-cinq jours après la proclamation du scrutin, est la juste sanction des sévérités de la loi. Cook soldait lui-même ses factures ; et le dossier qu’il avait ouvert, dès la première heure, ne contenait que des documens bien en ordre, classés par date, minutieusement étiquetés. D’un coup d’œil, il pouvait savoir ce qu’il avait déjà payé, quelle somme restait encore à débourser avant d’atteindre la limite extrême prévue par les règlemens. À mesure que le temps marchait, il remplissait avec méthode tous les devoirs de sa charge. Le jour vint où il fallut organiser des réunions publiques. Il s’acquitta, non sans souci, de ce nouveau soin : Winterbottom l’en pressait vivement.

Une fois de plus, Charles Cook se mit à l’œuvre. Un meeting fut annoncé dans la presse locale dévouée à sa cause, des affiches