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l’opération a été couronnée de succès. Le végétal anémique reverdit alors et redevient robuste. Malheureusement, la chimie, comme l’expérience la plus vulgaire, enseigne que le sulfate de fer est un sel extrêmement instable ; il tend à se transformer rapidement en un composé insoluble couleur de rouille, dont l’action bienfaisante est à peu près nulle. Le vitriol vert se vend dans le commerce à l’état de gros cristaux, d’une nuance glauque assez pâle, qui ne tardent pas à s’altérer superficiellement et à se revêtir d’une croûte jaunâtre difficilement attaquable par l’eau. Bref, si une bonne chute de pluie ou de neige ne vient pas dissoudre promptement le noyau interne et rendre le sulfate assimilable par les racines, le remède ne peut produire grand effet, et, si bon marché que soit le vitriol, revient toujours trop cher. Broyer les cristaux jusqu’à les réduire en poussière serait une opération difficile et coûteuse en pratique : on favoriserait sans doute la solubilité, mais aussi on précipiterait l’altération. Le mieux serait d’incorporer dans l’eau une certaine proportion de sulfate et de verser la solution encore récente et limpide dans des cuvettes creusées au pied des souches, mais on sait que l’eau n’abonde pas précisément dans les régions viticoles du Midi. Or, on admet qu’il faut, pour bien opérer, 15 litres de liquide par souche, soit à peu près 60 mètres cubes pour un hectare complètement chlorose. En dehors de la région des canaux, où l’on ne plante que des vignes françaises submergées, non sujettes à la chlorose, proposer un semblable moyen à un vigneron, c’est se moquer de lui la plupart du temps.

D’autres agronomes ont encore proposé de mélanger le sulfate de fer au fumier, agent dit « réducteur, » qui s’oppose à l’oxydation trop prompte du sel. Bien avant que le phylloxéra ne fût connu, les jardiniers savaient parfaitement faire reverdir dans leurs caisses les orangers malades en les arrosant avec une bouillie d’eau de vidanges et de sulfate de fer. Il se développe une sorte d’encre noirâtre, c’est le sulfure de fer insoluble. Cette matière ne tarde pas à puiser dans l’air ambiant l’oxygène nécessaire et à régénérer le sulfate ferreux. Celui-ci se forme donc peu à peu dans la terre, à portée des racines qui sont en mesure de l’utiliser sur-le-champ. Ce procédé serait à la vérité trop coûteux pour la vigne, mais le sulfure de fer ou pyrite n’est pas bien rare, surtout dans les régions minières ou industrielles, et nous ne nous étonnons pas qu’un congressiste, M. Chabaud, ait insisté sur les bons résultats obtenus dans la région d’Alais en traitant les vignes chlorotiques par un mélange d’acide phosphorique, de fumier et de terre pyriteuse de Saint-Martin-de-Valgagnes abandonné pendant quelques mois