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partout. Et généralement elle n’est pas hostile. Souvent même, elle revêt une forme sympathique. « Je souhaite, dit un candidat milanais, que nos relations avec la France s’améliorent ; je souhaite que ceux-là s’y emploient surtout, qui n’ont point oublié Magenta et Solférino. » « Ce n’est point à nous de discuter les idées de revanche que nourrissent les Français, dit un autre, à nous qui devons tant à la France, et lui sommes unis par des liens de fraternité nationale. » Je sais qu’on rencontre des paroles moins bienveillantes. Je sais qu’on peut aussi, pour une part, attribuer ces avances à des raisons d’intérêt très évidentes. Cela est vrai, les Italiens l’avouent : ils souffrent singulièrement de la rupture des traités de commerce, et leur grande ambition serait de rentrer dans les bonnes grâces économiques de la France. Mais cette définition de l’état d’âme des Italiens, vis-à-vis de nous, serait à la fois trop simple et injuste. Si on l’analysait suivant la méthode de la chimie, j’imagine qu’on trouverait à peu près les résultats suivans :


Souvenir des guerres depuis François Ier jusqu’à Napoléon (hostile) 10
Affinités naturelles de race, tendances latines (favorables) 15
Reconnaissance envers la France pour les services rendus (favorable). 5
Souvenir laissé par l’expédition tunisienne et les attaques de la presse française, jeux de mots, épigrammes (hostile) 25
Désir de reprendre les relations commerciales (favorable) 30
Préjugés relatifs à la triple alliance (hostiles) 15
Total 100

Les proportions varient sans doute d’un homme à l’autre ; l’équilibre est rompu, presque toujours légèrement, dans le sens de l’amour ou dans celui de l’aversion : les élémens ne varient guère. Ils forment le composé le plus extraordinaire qui soit, de sorte que nous avons, en Italie, des ennemis politiques qui sont d’ardens admirateurs du caractère et du génie français, et des avocats très convaincus de la nécessité d’un rapprochement commercial avec la France, et de la nécessité de maintenir, en même temps, les alliances germaniques. L’esprit est d’un côté, le cœur est souvent de l’autre, et les conversations, quand elles s’engagent sur de tels sujets, prennent un air de paradoxe, un peu étrange d’abord, et dont je reparlerai.

Enfin les aspirans à la députation n’ont garde d’oublier la grosse question italienne, la question financière, et la façon dont ils la traitent vaut bien un examen rapide. Leurs discours se divisent généralement de cette manière : les partis italiens, les conditions économiques du pays, les finances, les lois sociales, les alliances, l’avenir. Sur ce dernier point, tout le monde est d’accord : l’avenir,