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CONKLIN L’ANCIEN


I.

Silencieusement, comme s’il n’avait pas entendu ce que lui disait sa femme, Conklin l’Ancien acheva ses pêches à la crème, puis il se leva et quitta la chambre pour aller endosser ses habits du dimanche. Bientôt après sa femme le suivit en disant à la négresse qui les servait de veiller à ce que leur fils Jake se couchât de bonne heure. Aussitôt que l’Ancien eut disparu, les deux jeunes gens, d’un commun accord, sortirent sur le stoop, l’espèce de vérandah qui entourait la maison construite en bois. C’était vers la fin de septembre, dans le Kansas méridional. La journée avait été chaude, mais la fraîcheur du soir indiquait que la saison qu’on nomme l’été indien était proche. La maison se trouvait située sur la crête de ce qui avait été une vague (roll) de la prairie et, en s’appuyant à la balustrade du stoop, le couple découvrait, par-dessus un petit verger de pêches, une rivière, Cottonwood-Creek, qui court au bas de la butte, à deux cents mètres de là, frangée sur chaque bord par les cotonniers auxquels sans doute elle doit son nom. À l’horizon, derrière les lances dorées du maïs, le soleil s’enfonçait, tel qu’une balle d’un rouge orange, appliquée contre le bleu pâle du ciel.

Comme la jeune fille se tournait vers lui, peut-être pour éviter les rayons dardés au niveau de ses yeux, George Bancroft exprima l’espoir qu’ils iraient ensemble pendre la crémaillère chez les Morris. À quoi miss Conklin répondit avec quelque raideur qu’elle ne demanderait pas mieux, mais que…