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capital invariable, c’est-à-dire par exemple à escompter des effets de commerce et à taire des avances gagées par des titres ou d’autres garanties.

L’effet de commerce porte, dès le jour de sa création, l’indication certaine de la somme au paiement de laquelle il donnera droit le jour de l’échéance. L’avance, de son côté, consiste en une somme fixe dont le montant est également déterminé d’une façon définitive et invariable à l’instant même où l’opération est conclue. Le seul élément de bénéfice dans ces deux cas est l’intérêt plus ou moins élevé, prélevé proportionnellement au temps qui s’écoule entre le moment où le banquier avance l’argent et celui où il rentre dans ses fonds, par l’encaissement de l’effet à l’échéance ou le remboursement de l’avance à son expiration. L’idée de l’intérêt est l’idée maîtresse de ce commerce, nous dirions volontiers de cette industrie, qui s’appelle la banque. Et ceux-là seuls qui, comme certains théologiens du moyen âge, nient la légitimité de l’intérêt, sont en droit de critiquer la profession qui a pour but principal d’en appliquer les lois. La différence entre le taux bonifié aux déposans et celui qu’il est possible d’obtenir grâce aux divers emplois dont nous avons nommé les deux principaux, constitue la source essentielle des bénéfices du banquier : il n’en est pas de plus raisonnable, de plus conforme aux idées philosophiques. C’est la récompense directe et proportionnelle du travail, de la prudence, de la sagacité professionnelle. Celui qui dépose une certaine somme d’argent entre les mains d’autrui et ne s’en inquiète plus que pour toucher tous les ans ou tous les semestres les intérêts stipulés en sa faveur mérite évidemment un revenu moindre que celui qui s’efforce par une activité quotidienne, par une recherche constante des individus, des compagnies, et des gouvernemens en quête de capitaux, de faire fructifier la même somme d’argent.

D’autre part, l’obligation qu’il a contractée de restituer les sommes à lui confiées, soit à première réquisition, soit à terme fixe, soit après un délai plus ou moins bref, courant du jour de l’avis de retrait, lui impose la règle absolue, énoncée plus haut, de n’employer ces sommes qu’en créances non-seulement certaines quant à la date de leur exigibilité, mais certaines également quant à leur montant.

Or qu’est-ce que la spéculation, sinon l’opération fondée sur l’espoir d’une augmentation de capital ? C’est l’œuvre de celui qui, trouvant le prix d’une action, d’une rente, d’une obligation, ou de toute autre marchandise, trop bas par rapport à sa valeur intrinsèque, achète cette action, cette rente, cette obligation, cette marchandise dans l’espoir de la revendre avec un bénéfice, c’est-à-dire