Page:Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 118.djvu/547

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

italiennes, dont quelques-unes sont fameuses. D’après la carte de la malaria en Italie, publiée par le bureau central du sénat, 6 provinces seulement sur 69 sont complètement indemnes du fléau, ou, si l’on veut une indication plus détaillée et plus exacte, 2,677 communes sur un total de 8,257[1].

En ce qui concerne Rome, l’insalubrité de l’air, aux époques de grande chaleur, a été certainement exagérée. Même dans les mois de juillet, août et septembre, le nombre des victimes de la fièvre pernicieuse, parmi les habitans de Rome, est très faible. Il ne s’élève, et ne donne naissance au préjugé populaire, que lorsqu’on y fait entrer les malades qui ont pris ailleurs le germe du mal, et sont venus se faire soigner à l’hôpital San-Spirito. On l’a établi, et on a bien fait[2]. Malheureusement la réputation de l’Agro n’est pas de même imméritée. La campagne autour de Rome n’est pas sans doute également malsaine. La fièvre y sévit avec une intensité qui varie très sensiblement selon les années et selon les lieux. Les parties basses qui avoisinent la mer, presque toujours coupées de marais, sont les plus dangereuses. La mer même, sur le bord, offre un péril égal, et l’on a constaté qu’un homme qui s’endort dans un bateau à l’ancre, à un kilomètre des côtes, a les plus grandes chances d’être saisi, au réveil, d’un accès de malaria. Mais l’intérieur des terres, jusqu’aux montagnes de la Sabine, est tout entier plus ou moins menacé, et les dernières statistiques publiées donnent cette moyenne alarmante : rive droite du Tibre, pour 100 habitans, 23 cas annuels de malaria ; rive gauche, 33 pour 100[3]. C’est là, non pas le seul, mais l’un des plus grands obstacles à la culture, la cause de la dépopulation de l’Agro, le perpétuel souci des gouvernemens qui se sont succédé à Rome.

Depuis combien de temps en est-il ainsi ? j’ai posé la question à plusieurs personnes compétentes, et j’ai été charmé de l’érudition latine de chacune d’elles. En pleine ville ou dans une course à travers champs, sans livre et sans notes, elles citaient de mémoire des auteurs variés. Seulement, elles ne s’entendaient pas : « Monsieur, me disait l’une, — avec une vivacité de débit que provoque toujours, chez les Romains, cette question grave de la malaria, — l’Agro n’était pas autrefois tel que vous le voyez. D’innombrables maisons de plaisance le couvraient, et les ruines en subsistent. Elle était donc habitée. Elle était saine. Les écrivains nous en donnent

  1. Voyez l’intéressant travail d’un jeune professeur italien, M. Nitti, la Législation sociale en Italie (Revue d’économie politique, 1892).
  2. Voyez Monografia della città di Roma e della campagna romana. Article de M. Guido Baccelli, vol. 1, la Malaria di Roma.
  3. Relazione monografica della zona soggetta alla legga sulla bonificazione agraria. Roma, tip. nazionale di Bertera, 1892.