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LES
ITALIENS D'AUJOURD'HUI

I.
PROVINCES DU NORD. — LA VIE PROVINCIALE.

Elle est agréable à voir, après l’affreux Mont-Cenis, la grande plaine lombarde. Les barbares, au temps lointain, subirent son irrésistible séduction. Je crois qu’elle était alors ce qu’elle est aujourd’hui : toujours ensemencée, toujours fertile, toujours verte, et divinement irriguée. Quelle fraîcheur sort de ce3 petits canaux, qui enveloppent le promeneur de leurs mailles bleues ! Ils traversent les routes, coupent les champs, se rapprochent, s’écartent, tombent dans un grand fossé qui porte plus loin l’eau fécondante, jamais lasse de courir, jamais perdue. Grâce à eux, les prés donnent quatre et cinq coupes de foin, les rizières se chargent d’épis, les luzernes ont l’air de maquis en fleur, et les champs de maïs de plantations de cannes à sucre. Toute cette terre est merveilleusement riche. Et cependant la population est pauvre.

Il y a là un problème étonnant : on le rencontre presque partout en Italie. En passant d’une ville à l’autre, sans même s’arrêter, ni interroger, on ne peut s’empêcher de remarquer le contraste entre le sol qui donne tout, ou pourrait tout donner en abondance, et le paysan, trop souvent misérable, rongé par la pellagre comme dans la Lombardie, ou réduit à émigrer, comme dans la Calabre. Les