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seule dans une petite charrette couverte et bien fermée, était précédée par une cinquantaine de Tartares, tous bien mis et bien montés. Dix-huit femmes bien mises, mais couvertes de manière à ne laisser voir que le bout du nez, suivaient le char qui menait la mariée dans le harem de son mari. Elles étaient montées sur de jolis chevaux et la marche était fermée par une cavalcade de Tartares plus âgés. Je trouvai à Soudac[1]. M. Fabre qui dirige les jardins de la Couronne et les miens. Je visitai mes vignes et il compte que, cette année, j’aurai dix-huit mille bouteilles de vin. Il fera commencer nos plantations cet automne. Je soupai à Soudac et je dormis jusqu’à trois heures du matin que je me mis en marche pour visiter toutes les vignes. Comme le prince Potemkin n’avait pas pu venir et qu’il s’y intéresse beaucoup j’étais bien aise de pouvoir lui en rendre compte. À neuf heures, j’arrivai au Vieux-Crimée et j’en repartis à dix avec l’impératrice pour Caffa. Je parlai beaucoup, pendant la route, des belles positions que j’avais vues. Ligne était enthousiasmé de Parthéniza et, moi, j’assurais que Massoudre valait beaucoup mieux. Le prince était de mon avis. Nous trouvâmes à Caffa, — qui s’appelle actuellement Théodosie, — l’empereur qui y avait été de grand matin pour tout voir. C’est le seul endroit de la Tauride où l’on voie des monumens conservés. À la monnaie, l’on avait frappé une médaille que le prince Potemkin présenta à l’impératrice, et tout était préparé pour en frapper d’autres, mais l’impératrice passa sans s’arrêter et la donna au général Momonof pour qu’il la mît dans sa poche ; je la vis le soir ; il y avait d’un côté l’impératrice et,

  1. Le prince de Nassau était déjà venu à Soudac dans son premier voyage avec le prince Potemkin : « Si jamais je veux fuir le monde, écrivait-il alors, le 13-24 janvier, c’est à Soudac que je me retirerai. Je ne connais pas un plus beau ni meilleur pays. Ce canton ressemble singulièrement aux environs de Valence ; et, comme vous savez que le royaume de Valence est le plus beau pays des Espagnes, vous pouvez juger de la beauté de celui-ci. La vallée de Soudac est couverte par de hautes montagnes au nord, à l’est et à l’ouest. Elle ne s’ouvre qu’au vent du midi, ce qui change totalement le climat de ce charmant endroit. Aussi laissâmes-nous la gelée à 15 verstes de Soudac et il y faisait chaud au point de dîner sous une tente sans qu’aucun de nous ait gardé de pelisse ni redingote. La mer, des montagnes escarpées, des rochers, un vieux château, des bois, la richesse de la vallée, pour laquelle tout a l’air d’avoir été placé, doivent donner à tous ceux qui verront ce séjour enchanté le désir de s’y établir. J’ai choisi le meilleur emplacement ; je suis à côté du prince Potemkin, et, comme c’est la meilleure partie pour la culture de la vigne, des mûriers et des oliviers, je vais écrire à Constantinople pour que l’on m’envoie, cet automne, un vaisseau chargé d’oliviers et de ceps de vigne ; et j’écrivai à Mme Rénier pour faire venir de Champagne un homme pour faire le vin, car il ne manque que la façon au vin de Tauride pour qu’il soit excellent. Nous sommes venus coucher ici ; nous allons partir pour aller dîner à Caffa… »